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Chapitre XVI

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La Réforme à Exoudun

Après avoir goûté pendant un demi-siècle environ une ère de paix et de tranquillité, la population d’Exoudun allait connaître à nouveau les horreurs de la guerre civile et subir toutes les désastreuses conséquences que devaient engendrer les luttes religieuses auxquelles la Réforme allait donner naissance.

S’il faut en croire certains récits de l’époque, ce serait Calvin lui-même qui, vers 1534, se rendant d’Angoulême à Poitiers, jeta dans nos contrées les premiers germes de la Réforme. Non point qu’il soit venu prêcher à Exoudun ou dans les environs; d’aucuns prétendent que le lieu des réunions qu’il provoqua fut auprès de Poitiers, dans l’ancienne grotte de l’Ermitage. Rééditant en ces lieux le caractère des primitives assemblées chrétiennes, les réunions se faisaient là, en secret, la nuit, à la lumière des torches fumeuses, sous la masse imposante de monolithes énormes dont les vibrations lapidaires répercutaient la parole de l’ardent réformateur.

La majorité des assistants se recrutaient parmi la population de Poitiers et des lieux voisins; cependant, il en vint de plus loin et peut-être les enfants de Guichard de Saint-George et d’Anne de Mortemer furent-ils au nombre de ceux-ci. Deux d’entre eux, Gabriel, seigneur de la Place Forte d’Exoudun, de Couhé, de Vérac, et Abdré, seigneur de Petit-Couhé ou Boissec, d’Exoudun et de Bourleuf, dont rien n’entravait la liberté d’action, ne tardèrent pas en tout cas à donner des gages non équivoques de leur sincérité. En prosélytes ardents, ils travaillèrent avec ardeur à la propagation des doctrines calvinistes.

Leurs frères, Guichard et Ponthus(1), l’un abbé commendataire de Bonnevaux(2) et l’autre de Valence(2) furent obligés d’agir avec plus de circonspection avant de se déclarer ouvertement. Ils adoptèrent dès le début les dogmes de la réforme, mais ce n’est que quelques années plus tard, quand les événements les obligèrent à se montrer au grand jour, qu’ils entrèrent ouvertement dans la lutte.

Ces exemples, partis de haut lieu, eurent, on le conçoit, une répercussion énorme sur l’esprit de la population d’Exoudun et des villages environnants. Malgré le poids de la servitude qui courbait encore le peuple, malgré les misères dont il était accablé, il pressentait que dans cette évolution, il y aurait pour lui plus qu’un changement de religion, il devinait un acheminement vers la liberté, une atteinte portée à l’autorité ecclésiastique et à l’autorité seigneuriale.

« Au reste, dit le docteur Prouhet en parlant de cette époque, le moment était bien choisi pour faire fructifier les idées de réforme. Les paysans, écrasés d’impôts, avaient à se plaindre de la terre « que la malice des temps » rendait depuis longtemps inféconde. Et puis, l’essai d’établissement de la gabelle en Poitou avait causé un vif mécontentement.

La province était infestée de gens « crianz liberté! En tous endroictz pour esmouvoyr le peuple et le attraire à eulx. »(3). Les pauvres gens, mal résignés à leur misère et que ne pacifiaient plus les promesses des vieux dogmes, furent conquis, n’en sera-t-il pas toujours ainsi!, par ce mot magique qui laissait entrevoir à ces déshérités, de chimériques espoirs, d’illusoires espérances. Aussi, la révolution religieuse fut-elle acceptée avec empressement par le menu peuple qui, tout à coup, fut enflammé d’un ardent désir de connoître la voie du salut nouvellement révélée si que les artisans, comme cardeurs, peigneurs et foulons en travaillant de leurs mains, conféraient de la parole de Dieu. »(4)

Au nombre des conversions les plus marquantes qui eurent lieu dans la contrée, eu égard à la situation sociale, il convient de citer la famille de Saint-George(5); les Gillier, seigneurs de Petousse, de la Villedieu et de Salles; les Fraigneau, riches bourgeois exerçant des professions libérales: notaires, chirurgiens, praticiens, etc...; les Sauzé; les Guionnet, les Brunet; les Marsault dont les relations commerciales s’étendaient sur le littoral, à La Rochelle, Rochefort, Marans et l’île de Ré.

En 1543, pendant le carême, un jeune prédicateur « un malsentant de la foy », selon le terme alors consacré, attaqua vivement, dans une réunion à La Mothe Saint-Héray, l’église romaine, « les ministres et cérémonies d’icelle, exhortant le peuple de non prier les saints ni porter chandelles et autres plusieurs choses que l’on avoit accoustumer prescher »(6). On devait le saisir le jour de Pâques, mais il parvint à se soustraire aux poursuites dirigées contre lui et s’enfuit sous bois.

Pendant les années qui suivirent, les réformés d’Exoudun furent visités de temps à autre par quelques-uns de ces hommes « pleins de foi et d’ardeur », mais que la proscription et les poursuites dont ils étaient l’objet, obligeaient à se tenir cachés et à changer fréquemment de lieux. Une première lettre de François I°, adressée au parlement de Poitiers, enjoignait de faire « bonne et prompte justice de ces malsentants de la foy »(7). En même temps, la cour recommandait à l’évêque d’agir de son côté dans toute l’étendue de son diocèse en faisant « diligemment et secrètement informer »(8) contre tous les suspects d’hérésie. Les moyens d’information lui étaient d’autant plus facile qu’il avait dans chaque paroisse, en la personne du curé, un agent qui ne demandait qu’à seconder les efforts de son chef spirituel.

Malgré tout, la réforme continuait à progresser. L’ascendant moral de l’archiprêtre d’Exoudun, des religieux de Fontblanche et d’Isernais, était subjugué par l’invasion progressive des doctrines calvinistes. L’hérésie formait tache d’huile et s’étendait de plus en plus. Les épaisses murailles des couvents, la solitude dans laquelle s’écoulait la vie des religieux, le soin que l’on prenait de les tenir à l’écart de ce mouvement de la pensée humaine, furent inefficaces. A Fontblanche, notamment, les événements de l’époque apportèrent un tel trouble dans la vie monastique que l’on dut, sur certains points, modifier les règlements intérieurs.

Pendant que le doute pénétrait ainsi chez les membres du clergé, que la crainte provoquait des transformations jusque dans les cloîtres les plus retirés, les réformés unissaient leurs efforts pour résister aux mesures que l’on prenait contre eux. Réconfortés par la présence et l’appui moral de leurs châtelains, ils assistèrent aux réunions tenues au château de Boissec, réunions qu’ils se figuraient autorisées par la seule présence du seigneur. C’est ainsi du reste que l’église réformée s’établit dans le domaine d’André de Saint-George et que celui-ci continua longtemps « à abriter de ses propres privilèges l’exercice d’un culte dont le droit n’était pas reconnu »(9).

On put, vers 1558, constater l’importance des progrès réalisés et le nombre élevé des nouveaux adeptes. Mais, l’arrivée au pouvoir de François II, ce roi de seize ans, inaugura une ère de persécutions. Une déclaration du 4 septembre 1559 prescrivit que toute maison dans laquelle se tiendraient des réunions serait démolie, et une ordonnance du lieutenant de la maréchaussée de Poitiers, datée du 23 septembre suivant, faisait « défense à toute personne de faire convocation ou assemblée, soit de jour ou de nuit, en public ou en secret »(10). Pour terminer, il était recommandé à chacun de dénoncer tous les réformés de sa connaissance sous peine d’être puni soi-même comme fauteur et complice.

C’est alors que l’on eut recours à un singulier stratagème pour reconnaître les huguenots en les amenant en quelque sorte à se dévoiler eux-mêmes. En certains endroits, aux carrefours les plus fréquentés, on plaça une statuette de la Vierge ou une croix que les passants devaient saluer en donnant une pièce de monnaie. Les catholiques, cela va sans dire, se prêtèrent de bonne foi à cette injonction, tandis que les religionnaires refusant de saluer « une idole » et surtout de donner de l’argent à leurs adversaires religieux, se faisaient tout de suite reconnaître.

A Exoudun, on plaça une croix au centre du bourg, à l’endroit où débouchent les chemins de Brieuil, de Fontblanche, du Souil, ou pour mieux dire, de toute la région des Bois. Un surveillant notait avec soin tous ceux qui s’abstenaient de saluer, et aussitôt ils devenaient l’objet d’une surveillance particulière, surveillance non dépourvue de tracas et d’ennuis. Le carrefour où se trouvait cette croix a toujours conservé depuis cette époque le nom significatif de « carrefour de la croix blanche. »

En outre, deux édits, l’un du 9 novembre et l’autre du 17 décembre 1559, complétaient des mesures et prononçaient la peine de mort contre tous ceux qui prendraient part à un prêche quelconque ou qui recevrait chez eux un prédicant sans le livrer à la justice.

Fort heureusement, le passage au pouvoir de Michel de l’Hôpital apporta une atténuation à ces édits de rigueur. Ce bon Français, cet homme de bien, qui n’aurait voulu aucune dissension entre enfants d’une même patrie, usa de toute son influence pour adoucir le sort des réformés. A son instigation, la cour devint plus tolérante, au moins en apparence, et l’on vit se fonder un peu partout des églises qui, du jour au lendemain, n’hésitèrent pas à s’arroger le droit d’exercice, ce qui était aller un peu vite en besogne.

Dans son mémoire du temps adressé au roi, il est mentionné que dans tout le Poitou, et particulièrement dans la vallée supérieure de la Sèvre, « il n’est plus mémoire de messe »(11) Il est vrai que la population des campagnes, si lente à entrer dans un mouvement révolutionnaire, avait, cette fois, marché à pas de géant. La cause de cette rapide progression, dans la paroisse d’Exoudun et aux environs, était due à des influences toutes locales. A cette époque, l’industrie du tissage des laines communes, de la toile de chanvre ou de lin, occupait un grand nombre d’artisans sous les dénominations diverses de sergiers, peigneurs, cardeurs, tireurs d’estain; l’industrie du minot et ses dérivés comptait les meuniers, les minotiers, les fouassiers et les fourniers, tous ces gens dont les occupations sédentaires et associées amenaient entre eux un contact permanent. Ce furent au dire de l’intendant Foucault, les propagandistes les plus actifs de la Réforme.

Il faut reconnaître du reste que cette population huguenote n’était point sans mérite. Née dans la lutte et l’oppression, elle se montre active, laborieuse, se déclara « ennemie du luxe, des débauches publiques et folastreries du monde, trop en vogue parmi les catholiques. En leurs assemblées et festins, au lieu de danses et hautbois, c’était lecture de bible et chants spirituels, surtout de pseaumes quand ils furent rimés. »(12)

En face de cette austérité de moeurs et du nombre toujours croissant des réformés, les catholiques d’Exoudun restèrent prudents, car s’ils avaient pour eux le roi et la cour, les premiers avaient la force numérique et l’appui de la noblesse locale. L’archiprêtre agissait bien en dessous par de sourdes menées, il dénonçait tantôt à l’intendant et tantôt à l’évêque, il excitait ses fidèles contre ceux qui avaient embrassé la religion nouvelle, mais malgré ces agissements, la population, plus calme, plus pondérée, restait le plus longtemps possible dans l’expectative; elle hésitait avant de s’engager dans un conflit qui s’annonçait comme devant être redoutable. Le dénouement était malheureusement imminent et la triste et lugubre période des guerres de religion allait commencer. Les années qui suivirent vont être jalonnées par le meurtre et le pillage sous toute ses formes, par les excès de tout genre que l’histoire a sévèrement condamnés quels qu’en soient les auteurs.

 

Guerres de religion

L’appel aux armes lancé par Condé en 1562 trouva écho à Exoudun, moins cependant parmi le peuple que parmi les nobles, tous zélés protestants. La famille de Saint-George fut représentée dans cette première guerre par tous ses membres en état de porter les armes. Les enfants de Gabriel, seigneur d’Exoudun et de Couhé, s’y trouvèrent au nombre de trois: Joachim, seigneur de Vérac et baron de Couhé; François, seigneur de l’Orillonnière et Philippe, seigneur du Plessis-Sénéchal. Leur père était, parait-il, trop avancé en âge, il avait passé la soixantaine, pour se joindre à eux. Mais, en revanche, ils étaient en compagnie de leurs trois oncles: André, seigneur de Boissec, Ponthus et Guichard, abbés défroqués. Tous se trouvaient à Poitiers dans les rangs de l’armée huguenote lorsque le maréchal de Saint-André vint y mettre le siège. Le jeune François fut tué et ses frères « Joachim et Philippe furent de ceux qui prirent l’engagement de se faire catholiques, mais cette promesse faite contre leur conscience et dans le seul but de sauver leur tête ne fut point tenue; quelques années plus tard, nous les retrouvons encore dans les rangs de l’armée huguenote »(13).

Le résultat de cette première guerre fut désastreux pour les réformés qui se virent contraints à la messe forcée. L’archiprêtre veillait à ce que cette mesure fut exécutée sans défaillance à Exoudun et fournissait, à époques déterminées, une liste de ceux qui demeuraient irréductibles; ils étaient aussitôt appréhendés et emprisonnés.

Toutefois, par suite des dispositions de la paix d’Amboise, signée le 19 mars 1563, certains seigneurs, hauts justiciers, au nombre desquels figurait celui de Petit-Couhé ou Boissec, conservaient le droit de faire prêcher chez eux, pour eux, leur famille et leurs vassaux seulement. Comme on le pense, cette restriction resta lettre morte dans la majorité des cas et les seigneurs, de leur propre autorité, accordèrent à tous les réformés le droit d’assister aux réunions qui se tenaient dans leurs demeures.

Grâce à ces prérogatives attribuées à la noblesse, grâce à la part active qui lui était dévolue dans le mouvement général, les réformés, au moins ceux de la paroisse d’Exoudun, purent se grouper autour de leur principal protecteur, André de Saint-George.

Bientôt, éclata une nouvelle guerre. Saint-Maixent fut pris et pillé par une troupe de réformés dont un détachement occupait La Mothe Saint-Héray. En outre, Coligny et son frère d’Andelot, à la tête des forces huguenotes, arrivaient dans la région par le nord du département afin de se porter au-devant de l’armée catholique qui, elle, venait par le midi. Les avant-gardes des deux troupes ennemies se rencontrèrent non loin de Pamproux « gros bourg plein de victuailles, petit pays bon en perfection »(14), objet de la convoitise des deux armées rivales. Il n’y eut là aucune action mouvementée. Une simple escarmouche se produisit aux environs de Jazeneuil (Vienne) « où le verglas en jeta plus par terre que les coups, » puis les deux armées convergèrent sur Poitiers.

L’année suivante (1569) marqua pour les réformés une longue suite de revers. Quelques jours après la bataille de Jarnac, un poste huguenot occupait La Mothe lorsqu’il fut attaqué à l’improviste par une troupe catholique que commandait le comte du Lude, gouverneur de la province et le « mestre de camp d’Aunoux ».

Les protestants, bien inférieurs en nombre, se retirèrent dans le château où ils organisèrent une vigoureuse résistance. Mais les murs de la vieille forteresse étant battus en brèche par une artillerie puissante ne purent résister aux efforts des assiégeants qui furent bientôt maîtres de la place où ils exercèrent de sanglantes représailles « furent pendus XXXV hommes qui furent trouvés dedans, pour la témérité d’avoir attendu le canon »(15). (26 mars 1569)

La perte des villes de Saint-Maixent, La Mothe, Couhé et Lusignan jointe aux défaites de Jarnac et de Moncontour, acheva de porter la désolation dans les camps des réformés.

L’une des causes de la défaite de Moncontour se rattache, un peu indirectement il est vrai, à l’histoire d’Exoudun. Un certain nombre d’officiers et de gentilshommes protestants, notamment les seigneurs d’Exoudun, assistaient au mariage d’un de leurs coreligionnaires, Louis de Saint-Gelais, cousin de l’autre de Saint-Gelais, seigneur du château et Place Forte d’Exoudun, avec Marie Ratault, fille de René Ratault, seigneur de Boisgrollier, en la paroisse de Rouillé. Ledit mariage se célébrait justement le 2 octobre 1569, jour de la bataille livrée à Moncontour, de sorte que la majeure partie de la noblesse protestante de la région, parents et amis des jeunes époux, se trouvaient réunis au château de Boisgrollier « où il se faisoit courses de bagues et autres gentillesses. » L’absence de plusieurs de ces chefs détermina un commencement d’insoumission parmi les reîtres qu’ils commandaient. Ceux-ci, dont le paiement de la solde se trouvait momentanément ajourné, refusèrent de marcher avant d’être payés de sorte que cette défection ne fut point sans influence sur le résultat de la journée.

La paix de Saint-Germain, signée le 8 août 1570 marqua la suspension des hostilités; mais les deux parties ne purent se tenir tranquilles; les chefs surtout restaient toujours disposés à tirer l’épée et à reprendre la lutte.

 

La Saint-Barthélémy

La date du 24 août 1772 marque, hélas!.., l’une des plus affreuses et des plus atroces perfidies qui ne se soit jamais vue dans le cours des siècles. L’histoire a flétri, comme il convient, ce crime horrible qui a pour nom la Saint-Barthélémy et qui marque d’une tache indélébile la mémoire de la trop astucieuse Catherine de Médicis. Elle seule pouvait, semble-t-il, concevoir une aussi noire trahison, un guet-apens aussi criminellement infâme que celui qui se perpétra dans la nuit du 23 au 24 août. Son esprit, imbu des maximes du machiavélisme italien, accueillit sans scrupule l’idée d’un massacre général des principaux représentants de la noblesse huguenote. Ayant fait part de son projet à son fils Charles IX, elle finit par triompher de ses résistances et s’occupa froidement des moyens de mener à bonne fin son sinistre projet. Le mariage du roi de Navarre fut l’appât trompeur dont elle se servit pour attirer le plus grand nombre possible de chefs protestants à la capitale afin que la mise à mort de ces chefs enlevât toute velléité de résistance aux réformés.

Le châtelain de Boissec, André de Saint-George se trouvait parmi les invités de la reine pendant la funeste nuit. Il dut à sa bonne étoile d’échapper au poignard des assassins. Mais, pressentant que son séjour à Paris ne pouvait que lui être funeste en l’exposant aux plus grands périls, il reprit le chemin du retour. Il tenait avant tout à rassurer les siens dont l’anxiété n’était que trop justifiée et à rassurer par sa présence ses coreligionnaires d’Exoudun dont il espérait atténuer les maux. L’affreuse nouvelle avait précédé son retour malgré la diligence dont il avait fait preuve. Elle avait engendré la stupeur et l’effroi; elle avait provoqué une telle crainte d’un massacre général de tous les réformés que plusieurs familles cédant à leur instinct de conservation, s’acheminèrent vers La Rochelle en abandonnant leurs biens au fisc.

Leur fuite était d‘ailleurs favorisée par le genre de commerce qui s’effectuait alors entre Bagnault, Exoudun et les ports du littoral. On conduisait à dos de mulet des sacs de minots destinés à l’approvisionnement de ces villes, et plus d’un, conduisant un ou deux mulets, s ’en alla qui ne revint jamais.

Cependant, plusieurs membres de la noblesse huguenote des environs, notamment ceux de la famille Gillier et autres auxquels elle était apparentée s’étaient trouvés retenus par le mariage de Louise Gillier, fille du seigneur de Salles(16) avec François de Sainte-Maure, seigneur de Montauzier. Ce mariage, célébré en grande pompe, le 23 août 1572, au château de Faugeré (Amailloux, Deux-Sèvres) eut l’heureux avantage de soustraire à une horrible mort un certain nombre des invités. Il est hors de doute, que sans cet événement, la Saint-Barthélémy eut compté quelques victimes de plus.

Pendant les jours qui suivirent, « il y eut des gens de pied aux bourg de Saint-Maixent et La Mothe Sainte Héraye lesquels ou la plupart d’iceux y pilloient et détroussoïent les passants »(17). Les minutes des notaires de la contrée nous fournissent de précieux renseignements sur les maux innombrables qui accablèrent alors notre malheureux pays. L’année 1573 figure parmi les plus calamiteuses pour les pauvres gens, leurs plaintes désespérées, consignées dans certains écrits de l’époque qui nous ont été conservés, offrent une image tristement évocatrice des maux infinis dont ils avaient à souffrir. Ici, c’est un « texier en linge » qui ne peut faire honneur à ses affaires, « vu la malice du temps et grand cherté de vivres, desquels luy est impossible de trouver secours » là, c’est un journalier qui arrive difficilement à payer un verger qu’il a acheté « à cause du mauvais temps et grande stérilité qui estoient lors »(18), etc... La misère était à son comble et aux horreurs de la famine qui décimait la malheureuse population, s’ajoutaient les méfaits des épidémies de « sudor anglicum » dite suette miliaire, et des « novus dolor colicus » ou une nouvelle colique douloureuse.

Le 1° mars 1574, le sieur de la Baronnière, Jean de Rechignevoisin, seigneur de la Baronnière et de Guron, tenant garnison au château de Lusignan, donna ordre aux habitants de la paroisse d’Exoudun et autres paroisses voisines « d’apporter au château dudit lieu de Lusignan toute la munition d’icelui château de chairs, vins et autres munitions ou lieu d’icelles de l’argent dans trois jours »(19)

Pendant les mois qui suivent, quelques escarmouches ont lieu aux environs de La Mothe et de Saint-Maixent. Elles coûtent la vie à Joachim Gillier, seigneur de la Villedieuet de Petousse, ainsi qu’au neveu du prieur d’Isernais; puis le duc de Montpensier arriva à La Mothe le 19 août 1574 à la tête d’une nombreuse armée avec « onze canons de batterie. Ses troupes « campèrent audit lieu de La Mothe, à Exoudun, Bagnault, Goux, Celles et autres lieux circumvoisins »(20). S’étant emparé de Melle, le samedi 21, il s’achemina ensuite vers Lusignan, suivi des 20.000 hommes qui composaient son armée et mit le siège devant cette place. La capitulation n’eut lieu qu’après un siège de plus de trois mois; la garnison protestante rendit les armes le 14 janvier 1575. Au nombre des assiégés se trouvait le pasteur d’Exoudun, Genest Penault, qui nous a laissé la relation écrite de tous les événements qui se sont succédé pendant la durée du siège(21).

Entre temps, Bagnault et Exoudun avaient une telle affluence de troupes que: « le jeudi, 16 décembre 1574, des lettres de M. de Montpensier demandaient aux habitants de Saint-Maixent d’avoir à délivrer à 1200 reistres campés à Bagniaux et ès-environs 10.000 pains de 12 onces chacuns les deux tiers de froment et un tier de seignle, 6 pipes de vin, 8000 livres de chair de boeuf, 2000 livres de mouton et 7500 boisseaux d’avoine »(22). Cette demande exorbitante n’ayant pu être satisfaite en entier, les soudards en profitèrent pour étendre leur pillage jusqu’aux portes de la ville qui n’avait pu envoyer les quantités demandées.

Le 5 avril 1575, Louis de Saint-George, fils aîné d’André, est fait prisonnier au cours d’une escarmouche avec un détachement catholique, à la Chênaie d’Aigonnay, mais il réussit à s’évader presqu’aussitôt. En septembre suivant, « un grand nombre de reistres passèrent devant les portes de la ville de Saint-Maixent de bon matin et on disoient qu’ils alloient à Bagneaux. Ils emmenoient des vins nouveaux de l’entour dudit Azay » (23).

On remarque que Bagnault avait le triste privilège d’être particulièrement visé, soit pour servir de point de concentration aux troupes qui devaient opérer dans la région, soit pour servir de lieu de séjour à ces mêmes troupes quand elles devaient vivre aux dépens des réformés. Dans l’un comme dans l’autre cas, la population avait toujours à souffrir de la présence « de ces gens de guerre qui y ont mangé, dissipé et gasté la plupart des fruits y étant, et rançonnés les pauvres villageois et gens passans» (23).

La paix de Beaulieu, dite paix de Monsieur, signée en 1576, accorda aux partis en lutte un moment de répit et provoqua le retrait partiel des troupes cantonnées dans la paroisse où « elles faisoient immémorables maux que leurs capitaines leur commandoient y piller, voler, ruyner et casser tout, voire violer les femmes et les filles. »

Une perte des plus sensibles fut éprouvée par les réformés d’Exoudun au commencement de l’année 1578. Un de leurs meilleurs soutiens, un de leurs plus zélés défenseurs, André de Saint-George, mourait en son château de Boissec le mardi 25 mars 1578 (24). J’ai dit plus haut combien la mort avait exercé de ravages au sein de cette famille.

Avec l’année 1581, semble s’ouvrir une ère de conciliation. Un rapprochement entre les cours de France et de Navarre permet enfin d’espérer qu’une paix stable pourra ramener le calme et la paix parmi les malheureuses populations qui en sont si avides. Une entrevue entre les représentants des deux cours est décidé et le lieu choisi pour cette réunion est La Mothe Saint-Héray. Malheureusement, « l’état d’âme des subtils personnages que les nécessités de la politique mettaient en présence » fit échouer les négociations et la lutte recommença, ardente et sans merci.

En juillet 1583, « le jeudi 7, deux hommes, l’un d’Exoudun nommé ou surnommé Merienne et l’autre de La Mothe Saint-Héray, furent bruslés comme sorciers par sentence du prévost des maréchaux de Poitiers » (25). Des crimes et des assassinats sans nombre furent perpétrés sous le couvert de la religion; les travaux furent à nouveau interrompus et la misère atteignit un degré jusqu’alors inconnu.

Un synode ayant été provoqué à Exoudun le 1° août 1584, vingt-trois églises y furent représentées par leurs pasteurs ou par des anciens. Il s’agissait de désigner des députés pour l’assemblée qui devait se tenir prochainement à Montauban. Le choix des délégués se porta sur Joachim de Saint-George appelé plus communément M. de Vérac.

Quelques jours plus tard, le synode de Jazeneuil, tenu le 10 octobre, reconnaissant que le sieur de La Mothe, ministre à Chauvigny, courait de graves dangers, lui permit de venir s’établir en la même qualité d’Exoudun dont l’église se trouvait à ce moment dépourvue de titulaire. Ce fut le deuxième pasteur à poste fixe de l’église réformée d’Exoudun.

Elle englobait alors une étendue fort vaste comprenant les paroisse d’Exoudun, Bougon, Chenay, La Mothe et d’autres paroisses voisines qui en furent détachées au fur et à mesure qu’on les pourvut de pasteur. Une partie de celle de Mougon dont le siège fut, pendant quelque temps, au village de Gros-Bois, en la paroisse de Prailles, lui fut dévolue entre 1584 et 1600. L’église de La Mothe en fut détachée en 1620. Il faut enfin ajouter que la famille de Saint-George avait fait établir en son château de Boissec, en l’eau, non loin de Lezay, une annexe de l’église d’Exoudun. On le voit, l’ancienneté de cette église, l’étendue de son ressort, et, par la suite, le nombre élevé de ses adeptes, en faisaient l’une des plus importantes de la région, mais aussi, hélas! l’une de celles contre qui furent trop souvent dirigées les mesures les plus violentes de l’autorité royale.

 

 Le premier temple

 Le nouveau châtelain de Boissec, Louis de Saint-George, usant des privilèges que lui conférait son titre de haut justicier, continuait à faire célébrer le culte réformé dans l’une des dépendances de son château. A cet effet, il consacra la grange qui servait jusqu’alors de lieu de réunion, la fit arranger de manière à la mieux approprier à l’usage auquel il la destinait, abandonna la coursoire qui s’étendait devant l’édifice et qui, depuis cette époque a toujours conservé le nom significatif de « cour du temple », fit bâtir un mur élevé entre cette cour et le chemin; puis, de sa propre autorité, il accorda à tous les réformés le droit d’assister aux prêches qui se feraient dans ce modeste asile de la prière. En établissant ce temple auprès de l’église dont il n’était séparé que de quelques mètres , et en l’ouvrant à tous, Louis de Saint-George outrepassait ses droits. Aussi l’archiprêtre et quelques fervents catholiques informèrent-ils à la fois l’évêque et l’intendant, ce qui, du reste, ne donna pas grand résultat immédiat.

En 1634, lors de la réunion des Grands-Jours à Poitiers, de nouvelles réclamations firent ressortir combien un voisinage aussi rapproché de l’église était préjudiciable aux cérémonies du culte catholique, ce qui motiva un arrêt de ce tribunal aux termes duquel il était dit « que les lieux où se fait le presche qui se trouvent bâtis dans les cimetières ou si proches des églises que le service divin en peut-être troublé seront démolis » (26). (16 septembre 1634)

Un autre arrêt du 29 novembre suivant ordonnait en outre « que la grange où les réformés font l’exercice de la R.P.R. audit lieu d’Exoudun sera démoli dans huitaine tant pour l’incommodité de la situation proche de l’église que pour n’avoir droict ny tiltres de ce faire ». En même temps, Louis de Saint-George était invité « à comparoir en personne à ladite cour » pour répondre sur les faits qui lui étaient reprochés; mais il fit la sourde oreille et laissa faire pendant quelque temps, tout en recommandant à ses coreligionnaires la plus grande circonspection afin de ne point exciter les passions de leurs ennemis religieux. Les années s’écoulèrent sans que l’arrêt précité fut mis à exécution.

Toutefois, les hostilités recommencèrent avec beaucoup d’acharnement au cours des années qui précédèrent l’avènement d’Henri IV. « Le jeudi 15 décembre 1585, M. le duc du Maine estoit à Bagneaux avec son armée et artillerie ès-environs. » Venant de Lusignan où ses troupes étaient cantonnées depuis un certain temps, il se proposait d’occuper Bagnault, Exoudun, La Mothe et ses environs.

 

Prise du château d’Exoudun

Dans les derniers jours de février 1586, un détachement des troupes dont je viens de parler occupait La Mothe lorsqu’il fut attaqué par les huguenots sous le commandement d’Agrippa d’Aubigné, grand-père de Madame de Maintenon. Après un violant combat « où il y eut de nombreux tués, hommes et femmes et plusieurs blessés » les protestants durent se retirer et attendre des secours. Ceux-ci arrivèrent deux mois plus tard sous la conduite du roi de Navarre et du prince de Condé, les deux chefs suprêmes de toutes les forces protestantes. Ce que n’avait pu faire Agrippa d’Aubigné, n’offrit que peu de difficulté pour l’armée des princes. A son tour, la garnison catholique dut capituler et les vainqueurs établirent leur quartier général dans le château. De là, ils lançaient journellement quelques détachements dont la mission consistait à s’emparer des points stratégiques les plus importants, lieux fortifiés, desquels ils pourraient tirer parti le cas échéant, et établissements religieux catholiques.

Le château et Place Forte d’Exoudun, alors aux mains des catholiques, fut l’un des premiers points dont l’occupation leur parut nécessaire. Dans la matinée du 23 mai 1586, Henri de Navarre et le prince de Condé, ayant pris le commandement de forces imposantes, se mirent en marche vers Exoudun afin de déloger leurs ennemis de la forteresse et du bourg. A leur arrivée, la population les accueillit avec les plus grandes marques de joie, car elle voyait en eux des libérateurs.

Protégés par les épaisses murailles de la vieille forteresse et par un puissant appareil défensif, les assiégés pouvaient nourrir l’espoir de tenir assez longtemps en échec les forces protestantes, lesquelles étaient dépourvues d’artillerie. Mais les deux parties, animés d’un égal désir d’en finir promptement, plutôt que de subir les aléas d’un siège, s’attaquèrent avec furie. De part et d’autre, on apporta à la lutte un égal acharnement.

Un premier assaut ayant été repoussé, trois ou quatre protestants y trouvèrent la mort ainsi que l’un des grands écuyers du roi de Navarre. Exaspéré par cette résistance, le Béarnais s’élance à la tête des siens, les enflamme par son exemple, de sorte que bientôt l’une des portes de la forteresse cède sous les coups répétés des assaillants. Ils envahissent alors les appartements et se dirigent vers le sommet de l’édifice où sont concentrés les défenseurs. Ceux-ci, pour avoir la vie sauve et pour échapper à des représailles qu’ils appréhendaient fort, décident de se rendre à discrétion en faisant appel à la générosité du vainqueur. Le roi de Navarre, qui ne savait conserver de rancune contre un ennemi vaincu, leur accorda la vie sauve et quelques-uns d’entre eux demandèrent sur le champ à prendre du service sous ses ordres (27).

Après la prise du château, suivit celle du prieuré de Fontblanche dans lequel s’établit un détachement des troupes protestantes avec mission de surveiller les alentours et d’éviter que les catholiques ne reprennent ledit prieuré. Cette occupation ne fut que momentanée, car un accord étant intervenu entre le roi de Navarre et M. de Biron, lieutenant du roi en Poitou, il fut décidé « que les troupes des réformés de Lusignan et celles de Fontblanche seroient conduites en sûreté jusqu’à Saint-Maixent puis à Saint-Jean-d’Angély et mandoit (le gouverneur) aux capitaines de la garnison estant à Saint-Maixent d’empescher que ses soldats courussent sus. » (Journal de Michel le Riche)

La fin de l’année 1586 ne fut marquée par aucun événement digne d’être rapporté. La population exoudunoise, délivré des reîtres qui, depuis plusieurs mois, la mettaient à contribution, goûta les bienfaits de cette accalmie.

 

 La Sainte Ligue

Une nouvelle tentative de conciliation, ébauchée au printemps de l’année 1587, ne fut pas plus heureuse que ne l’avait été la première, lors de la réunion des délégués des deux parties à La Mothe Saint-Héray. Malgré le désir que l’on avait, ou tout au moins que l’on paraissait avoir, « d’aviser aux moyens d’une bonne paix et repos général », les personnages qui se rencontrèrent à cette occasion, une première fois à Saint-Brice près de Cognac, le 13 décembre 1586, puis à Fontenay, au mois d’avril 1587, ne purent s’entendre sur les modalités d’un accord et la guerre recommença entre les deux partis.

Les hostilités commencèrent à La Mothe dont le bourg était occupé par deux régiments huguenots commandés pas des Bories et de Cherbonnières, eux-mêmes sous les ordres du capitaine de Saint-Gelais, cousin du sieur de Lausac, seigneur châtelain de La Mothe. Croyant pouvoir compter sur une neutralité bienveillante de la part de ce dernier, le capitaine huguenot négligea d’occuper le château afin de n’apporter aucun trouble dans la vie domestique de son parent; son aveugle confiance allait provoquer un désastre.

Le duc de Joyeuse ayant appris que les troupes huguenotes se gardaient assez mal en informe le gouverneur de la province, Malicorne, et lui enjoint d’avoir à se rendre en hâte à La Mothe avec toutes ses forces afin d’en déloger les ennemis du roi. L’investissement de la place se fait secrètement et sans bruit dans la nuit du 21 juin. Les troupes de Malicorne, dissimulées dans le parc et autour le château, forment un demi-cercle autour de la localité, pendant que Joyeuse, venant par Saint-Maixent, encercle la partie restante. Puis, à un signal convenu, au moment où les premières lueurs de l’aube éclairent l’horizon, la cavalerie royale fait irruption dans les principales rues, semant l’épouvante parmi la population réveillée en sursaut. Surpris, les huguenots courent aux armes dans le plus grand désordre, combattent avec beaucoup de courage, mais sans se rendre compte en premier qu’un groupement de leurs forces peut seul rendre la résistance efficace, et même les sauver du désastre. Ils se rallient enfin sous les halles, au centre du bourg, élèvent en toute hâte des barricades, creusent des tranchées et, à l’abri de cette forteresse improvisée, ils luttent avec avantage contre leurs assaillants. Peut-être même eussent-ils triomphé si le commandant du château n’eût fourni aux catholiques deux couleuvrines pour culbuter les retranchements qu’entouraient les halles pendant que lui-même braquait ses canons sur ce même point. Malgré ce renfort, il ne fallut pas moins de trois jours d’un combat acharné pour triompher de la résistance de ceux qui avaient fait le voeu de vendre chèrement leur vie. Toutefois, les ravages faits dans leurs rangs par l’artillerie du château, la promesse de la vie sauve que le vainqueur disait leur accorder, firent qu’ils acceptèrent de rendre leurs armes.

Mais la promesse faite ne fut point tenue. Joyeuse qui l’avait engagée se déshonora. Ce favori, « l’un des mignons préférés du roi », fut parjure à la parole donnée; il eut la lâcheté de faire égorger de sang-froid tous les malheureux qui avaient ajouté foi à la parole de ce larron d’honneur. Le bourg lui-même fut « arsi et bruslé, la vigile Saint-Jean-Baptiste mil cinq cens quatre-vingtz-sept » (28), et un dicton populaire a stigmatisé en ces termes la forfaiture de cet indigne gentilhomme:

« A La Mothe-Saint-Eloy, »

« Joyeuse a perdu sa foy; »

 Partant de La Mothe, Joyeuse se dirigea vers Saint-Maixent où il signala son passage par un nouveau crime en faisant mettre à mort le ministre la Jariette et de là vers la Cour où l’attendaient les faveurs royales, mais où il ne devait jamais arriver. Tombé entre les mains des protestants vainqueurs à Coutras, il fut mis à mort aux cris vengeurs de: « La Mothe-Saint-Eloy! La Mothe-Saint-Eloy! ».

Au cours de l’année 1587, les troupes catholiques occupent à nouveau Bagnault et Exoudun où elles se livrent à un pillage éhonté et aux actes de brigandage et de brutalité les plus révoltants. La plupart des habitants avaient à se plaindre, non seulement des mauvais traitements dont ils étaient victimes, mais encore des vols commis à leur préjudice. Ainsi, le 25 mai 1587, « sire Pierre Faure, sieur de la Lande, demeurant au village de Bagnault et estant au marché de La Mothe reconnait une jument qui luy fust prinse par les soldats de Villeluisant qui tenoient garnison au château d’Exoudun. Le 4 juin suivant, passèrent des soldats au bourg de Bagnaux lesquels prinrent une jument à Pierre Moynault, marchand. » La métairie des Touches du Souil « en laquelle ny a bastimens quelconques au moyen des ruynes advenues en iceux par l’injure des guerres, » montre assez avec quelle furie l’on s’acharnait à la destruction d’immeubles n’offrant aucun intérêt stratégique. On détruisait pour le plaisir de détruire et de causer les plus grands maux que l’on pouvait à ses ennemis. Les deux partis adverses agissaient chacun de leur côté avec la même méchanceté, j’allais dire la même férocité.

Vols de toutes sortes, destruction d’immeubles se multiplièrent à tel point que le pays était à peu près complètement « ruyné et désert pour « estre le bétail et laboureurs rançonnez par les gens de guerre. » On n’avait jamais vu jusqu’alors « si extrêmes et grandes pilleries, saccgemens et destruction, bruslemens, ravissemens, morts par guerre, peste, pauvreté advenues en toutes les familles » (29).

  

Règne de Henri IV - Edit de Nantes

L’avènement au trône du roi de Navarre fit naître chez les réformés des espérances exagérées, mais qu’un prochain avenir allait sérieusement réduire. Henri IV, une fois en possession de la couronne royale, entendait ménager les catholiques et les ramener peu à peu à lui. Quant aux protestants, ils lui étaient acquis, aussi ne leur accordait-il de faveurs qu’avec parcimonie.

Toutefois, l’un des plus grands bienfaits qui marqua le commencement de ce règne fut la cessation à peu près complète des guerres fratricides et meurtrières qui avaient si cruellement ensanglanté tout le Poitou pendant les trente années qui venaient de s’écouler.

Les réformés d’Exoudun purent désormais se réunir dans leur temple sans être inquiétés. Le pasteur alors en exercice était le sieur « La Vallée » dont le traitement annuel fut fixé à 200 livres par arrêt du 18 mars 1590 "environ 1990 francs de notre monnaie d'avant-guerre". Les cérémonies religieuses se continuaient sous le patronage du seigneur de Boissec. Après les pénibles épreuves qui avaient assailli l’un et d’autre parti, chacun éprouvait le désir de vivre en paix chez soi plutôt que voir se rééditer les scènes affreuses des luttes antérieures.

Enfin, l’édit de Nantes, promulgué en avril 1598, assurait, ainsi qu’il est dit dans son préambule, « bonne paix et tranquille repos » aux réformés. Il établissait l’égalité civile entre tous les Français, sans distinction de religion, déclarait les réformés capables de tous les emplois et de toutes les dignités et accordait une gratification de 40.000 écus aux églises réformées. La part dévolue à la province du Poitou fut de 2.000 écus (soit 56.000 francs de notre monnaie d’avant-guerre) dont la répartition fut opérée par les membres du synode de Saint-Maixent le 26 août 1598, et aux travaux duquel participa le pasteur d’Exoudun.

Vers 1609, le pasteur de Lavallée étant mort, Théodore Tireau lui succéda et exerça son pastorat à Exoudun jusqu’en 1620, année où il mourut.

La mort de Henri IV survenue le 14 mai 1610 occasionna un grand trouble parmi les réformés. Ceux d’Exoudun se tinrent sur le qui-vive, redoutant une nouvelle ère de persécutions. Cependant on désirait tellement la paix de part et d'autres que, dans un synode tenu à La Mothe le 15 janvier 1612, les assistants reconnurent à l’unanimité que les églises jouissaient de la paix promise par les édits et qu’il importait de ne rien faire pour la troubler.

Et de fait, elle le fut peu pendant la minorité de Louis XIII. Il fallut l’arrivée au pouvoir du cardinal de Richelieu, ce ministre de génie aux grands desseins et à la volonté de fer, pour inaugurer une nouvelle ère de persécutions qui ne se termina que par l’entière soumission des réformés en 1628.

Je ne saurais dire au juste à quelle époque les réformés d’Exoudun s’étaient emparés de la cloche de l’église et se l’étaient appropriée pour les besoins de leur propre culte, toujours est-il que le 21 mars 1623, les habitants de la paroisse furent convoqués par leurs procureurs syndics en assemblée pour faire connaître leur réponse à une demande de l’évêque tendant à ce que la cloche fut remise à ladite église. La majorité des assistants, appartenant au culte réformé, refusa de restituer la cloche, offrant d’en payer une autre pour la remplacer.

L’évêque refusa cette proposition et prescrivit à l’archiprêtre d’intenter sans délai au général des habitants, un procès pour obtenir restitution de la cloche dérobée. Une sentence du siège royal de Saint-Maixent (1° mars 1624) condamnait les habitants à la restitution demandée.

(On trouvera plus loin les détails concernant cette affaire dans les pages que je consacre à l’historique des cloches.)

  

Période de 1628 à 1666

 Au cours des années 1627 et 1628, la lutte opiniâtre menée par le cardinal de Richelieu contre les réformés, détermina ceux-ci, après avoir vu toutes leurs places de sûreté tomber aux mains du pouvoir royal, à se réfugier dans le lieu qui constituait leur dernier asile: La Rochelle.

Le siège en fut alors entrepris par les troupes du roi ce qui provoqua dans notre malheureuse paroisse un passage ininterrompu de soudards et de reîtres qui traitaient la campagne, "le plat pays"», comme on disait alors en parlant de notre contrée, « pirement que s’il estoit à la mercy des ennemis estrangers. »

En vue de ce siège, Exoudun dut fournir plusieurs contributions tant en hommes qu’en argent, en charrettes attelées, en approvisionnements de toutes sortes pour les armées royales. Le 24 octobre 1627, les habitants de la paroisse doivent emprunter une somme de 320 livres destinée au paiement de quatre pionniers qui devront se joindre à ceux des paroisses voisines pour aller travailler au camp de La Rochelle. En vertu d’une commission du 17 novembre suivant, on requiert cette fois, la fourniture « d’un charroy garny d’une charette avec 4 chevaulx ou 6 boeufs » qui seront également dirigés vers le même lieu. La dépense occasionnée de ce fait s’élève à 60 livres qu’il faut emprunter pour se libérer et éviter les représailles.

Mais que sont ces réquisitions en regard des pillages exercés par les troupes de passage, des ravages occasionnés par la misère, la famine et la peste, cette terrible épidémie qui, en l’espace de quatre ans, 1628 à 1632, faucha un nombre incalculable de victimes.

Au mois d’avril 1628 on signale la prochaine venue du régiment de Champagne qui s’était acquis une triste renommée de cruauté dans les lieux où il était passé, « à cause de la grande licence et desbordement des soldats qui sans aulcun respect, pilloient, rançonnoient et battoient ceux chez lesquels ils estoient logés de manière qu’ils estoient contraincts de quitter leurs maisons comme la plupart avoient faict au bourg de Chenay, Sainte-Soline et autres lieux où ils avoient logés........ A Chenay, où il fut par lesd. Soldats mis le feu dans une maison laquelle brusla entièrement »(30). La population d’Exoudun appréhendant fort les suites du passage et du logement des hommes qui composaient cette troupe, autorisa ses syndics à emprunter, « où ils le pourroient », une somme de 120 livres destinée à être offerte au chef de la troupe pour que celle-ci ne logeât point dans la paroisse, ce qui fut accepté. (9 avril 1628)

Puis, le siège de La Rochelle terminé, le retour des mêmes troupes à leur lieu d’origine ramena le mal qu’avait occasionné leur premier passage, en l’aggravant encore. Enivrées de la victoire qu’elles venaient de remporter, victoire qui marquait l’entière soumission du parti huguenot, ces troupes se livrèrent à toutes sortes d’excès et de débauches sans qu’il fut mis aucun frein à cette licencieuse frénésie. Les lieux les plus atteints furent ceux qui, comme Bagnault, se trouvaient sur la ligne des étapes.

*

* *

Jusqu’à présent, et depuis le début de la Réforme, les protestants avaient enterré leurs morts dans les cimetières catholiques sans que personne n’eut songé à s »en plaindre. En 1630, le 4 avril, quelques habitants de la paroisse « tous catholiques romains », nomment un procureur « pour comparoir par devant M. de la Thuillerye(31), commissaire général député par Sa Majesté et se joindre à Mr Jehan Lasson, archiprestre d’Exoudun, pour demander que les cimetières de la paroisse leur soient délaissés par ceux de la R.P.R. qui en ont la possession réelle et actuelle et défense leur estre faicte de ne plus l’occuper ne y faire enterrer leurs corps morts sous telle peine que de droit, comme appartenant iceulx auxd. Paroissiens catholique et non auxdits de la Religion »(32). Cette réclamation avait été faite à l’instigation de l’archiprêtre qui devait la soutenir et s’efforcer de la faire triompher devant le commissaire. L’insistance qu’il apporta pour obtenir gain de cause immédiat fit que le commissaire, mis en défiance, ne voulut faire connaître sa décision qu’après enquête et laissa traîner l’affaire en longueur pendant quatre ans. Sur une nouvelle demande de l’archiprêtre, demande appuyée par l’évêque, le différend fut alors soumis à la juridiction des Grands-Jours qui, par arrêt du 29 novembre 1634, firent « défense expresse auxdits habitants de la R.P.R. dudit bourg d’Exoudun d’enterrer ou faire enterrer leurs morts au cimetière des catholiques dudit bourg à peine de 2.000 livres d’amende et d’estre lesdits corps tirez de terre............. Deffenses R.P.R. »(33).

Cette décision enlevait aux protestants de la paroisse leur commune sépulture. Un nouvel emplacement leur fut proposé pour y enterrer leurs morts, mais il faut reconnaître qu’il ne répondait aucunement à l’usage auquel on le destinait. Il était situé au-dessus de la fontaine bouillante, renfermait de gros blocs de rochers qui affleuraient le niveau du sol et rendait impossible le creusement des fosses. En outre, l’accès en était des plus difficiles.

Ceux de Loubigné furent des premiers à s’en plaindre et à récriminer contre un choix qui leur était préjudiciable plus qu’à tous autres. Dans une assemblée des habitants du village, ils se décidèrent à constituer un procureur spécial qui sera chargé, est-il dit, de comparaître par devant le Conservateur des privilèges de l’Université de Poitiers et lui exposer que « le lieu baillé par led. Sieur conservateur à ceulx de la R.P.R. pour cymetyère leur est grandement incommode d’aultant qu’il faut passer la rivyère qui quelquefois est difficile à cause de la grande abondance d’eau qui s’y rend (il n’y avait pas de pont alors) et même difficile à faire les fosses à cause des rochers et des grosses pierres qui s’y rencontrent; d’ailleurs que pour porter les corps morts, il fault passet tout le lonf du bourg d’Exoudun ce qui leur seroit impossible en cas de contagion »(34).

Le procureur désigné se heurta à un parti-pris contre lequel il n’y avait rien à faire qu’à accepter la décision des Grands-Jours. C’est alors que Louis de Saint-George, pour tirer d’embarras cette population de Loubigné, dont il était le suzerain et maître, lui abandonna, par acte du 11 février 1635, une parcelle de terrain dans laquelle ils pourraient, à l’avenir, ensevelir leurs morts. Ce terrain prit le nom de « cimetière aux huguenots », nom qu’il a conservé jusqu’en ces dernières années bien que sa désaffectation remonte aux premières années de la Révolution.

Après avoir obtenu gain de cause pour les cimetières, l’archiprêtre jugea que le moment était des plus opportuns pour s’attaquer au temple. Sur une nouvelle et pressante demande, une enquête fut prescrite et Nicolas Millon, juge et conservateur des privilèges de l’université de Poitiers, se transporta à Exoudun le 16 novembre 1634 pour procéder à l’enquête demandée et voir jusqu’à quel point l’exercice de la religion réformée pouvait porter préjudice à celui du culte catholique. Il recueillit « les dires et remonstrances de M. Jehan Lasson, archiprestre, de Louis de Saint-George, escuyer, sieur de Boissec et autres habitans du bourg de la R.P.R., » dressa un plan détaillé des lieux, établit son rapport, et remit le tout aux magistrats composants les Grands-Jours.

C’est après examen de ces pièces que fut rendu l’arrêt du 29 novembre déjà cité et par application duquel le temple devait être démoli dans le délai de huitaine. C’était net et bref; cependant les années passèrent sans que l’autorité se préoccupât de faire exécuter les prescriptions de l’arrêté. Par mesure de prudence, on s’abstint de toute réunion dans le temple et le pasteur, Jean Vatable, visitait ses fidèles et les réunissait secrètement en certains lieux sûrs.

Après la mort de Richelieu, les troubles de la Fronde ranimèrent momentanément les passions et incitèrent l’archiprêtre à demander l’exécution de l’arrêt du 29 novembre 1634, demande qui était soutenue par l’évêque, mais qui ne donna encore aucun résultat. Pendant une douzaine d’années, rien ne vint entraver l’exercice du culte proscrit, lorsqu’en 1646, l’évêque de Poitiers, ayant à coeur de voir démolir le temple d’Exoudun dans le plus bref délai, fit assigner les anciens et principaux chefs de famille de l’église réformée devant « les sieurs présidiaux de Poitiers » afin d’obtenir qu’ils fussent mis en demeure de démolir leur temple.

Ceux-ci, réunis le 3 décembre 1646, constituèrent un procureur général pour les représenter, lequel procureur allégua « que mal et incompétemment ilz avoient esté appelez par devant lesditz sieurs les présidiaux d’aultant que le lieu dont il est question estoit dans le ressort de Saint-Maixent qui est ung siège royal distaint et sepparé dud. Présidial où ilz debvoient estre convenuz et partant auroit requis lad. Cause et les parties y estre renvoyées avec condempuation de despens domages et inthéretz de cette téméraire convention »(35). Le Présidial ne tint aucun compte de ces observations et se déclara compétent pour statuer sur l’action intentée par ledit évêque. Il faut croire que le jugement ne fut point prononcé ou qu’il resta sans effet, car le temple continua à demeurer debout comme auparavant.

En 1657, on s’en prit au seigneur de Boissec; on lui chercha des difficultés et on voulut le ramener à l’observance des droits que lui conférait l’article VII de l’Edit de Nantes dont les termes donnaient lieu parfois à de fausses interprétations. Cette nouvelle tentative fut encore stérile. En cette même année, la dame de Vérac, proche parente du seigneur précité, soutint elle-même un procès qu’elle gagna, en 1658, contre le seigneur de Lezay au sujet de l’exercice du culte réformé au lieu noble de Boissec-en-l’eau appartenant à ses enfants et où se trouvait une annexe de l’église d’Exoudun.

Certains seigneurs protestants s'étaient crus en droit de faire célébrer dans leur propre demeure les cérémonies du culte réformé; le présidial de Poitiers jugea qu’il y avait abus et afficha une grande sévérité à l’égard des délinquants. De plus le pouvoir royal ayant été informé, décida d’envoyer des commissaires dont la mission consisterait à régler les différents survenus pour fait de religion. Ces commissaires furent nommés au mois d’octobre 1661. Il fallut encore un nouveau délai de trois ans avant que l’enquête ne se commença. Enfin, le 29 novembre 1664, ordre fut donné aux églises protestantes et aux seigneurs qui revendiquaient le droit d’exercice de la R.P.R., de produire les titres en vertu desquels ils jouissaient de ce droit d’exercice du culte, du droit de posséder des temples, des écoles, des cimetières, etc...

Après examen de ces documents, le commissaire protestant estima que la majorité des églises jouissaient de droits réguliers tandis que celui des catholiques fut d’avis contraire. Commencés le 17 janvier 1665, date à laquelle le Conseil d’Etat rendit un arrêt maintenant en Poitou dix églises seulement sur une cinquantaine existantes.

Cette décision était désastreuse pour les protestants. Pour en atténuer les effets, trois gentilshommes portèrent à la cour les doléances des réformés dont les temples étaient appelés à disparaître. Tout fut inutile. Quinze ou seize mois s’écoulèrent encore avant que l’on se décidât à agir, mais ce fut là le dernier répit. Un nouvel arrêt du 19 janvier 1666 enleva tout espoir aux protestataires et quelques jours plus tard, on commençait la démolition des temples.

  

Démolition du temple d’Exoudun

 Cependant, à Exoudun et dans les environs, le statu-quo aurait peut-être persévéré quelques temps encore si ce n’eût été les agissements des châtelaines de Boissec et de certains esprits exaltés dont les menées stimulèrent en quelque sorte la mise en action des agents du pouvoir.

Le pasteur Prioleau, malgré les arrêts du 6 août 1665 et du 19 janvier 1666, prenait part au synode de Lusignan et les dames de Boissec, la mère et la fille, entretenaient dans les esprits une fermentation telle qu’un éclat devait fatalement se produire. Mis au courant de ces faits, l’intendant du Poitou, Barentin, en informa la cour de sorte qu’un nouvel arrêt du Conseil d’Etat, en date du 5 octobre 1666, enjoignant à ce fonctionnaire de tenir la main à l’exécution des présents arrêts et il fut décidé que le temple d’Exoudun serait l’un des premiers démolis.

Dans les derniers jours de novembre, les agents du pouvoir arrivèrent à Exoudun pour procéder à la démolition depuis si longtemps décidée. Là, ils trouvèrent le peuple soulevé et en armes. Marguerite de Saint-George, veuve de Bonaventure Forain, chevalier, seigneur de la Bonninière et Louise Forain, sa fille, veuve de Pierre Vasselot, seigneur de Régné, avaient, au dire de l’historien Thibaudeau, « fait assembler les religionnaires des paroisses voisines jusqu’au nombre de trois mille hommes déguisés pour la plupart en paysans; les uns avaient des mousquetons et pistolets, les autres étaient munis de faux et autres instruments, avec des armes sous leurs casaques, ils étaient campés en trois endroits: dans le château de Boissec, au temple et dans quelques maisons voisines. Les commissaires envoyèrent un huissier pour voir ce qui se passait; il leur apporta que le peuple était en armes; néanmoins les deux commissaires voulurent approcher du temple avec les ouvriers; mais ils rencontrèrent sur leur chemin des troupes de séditieux qui les obligèrent à se retirer »(36). Ils se retirèrent en effet sans avoir pu remplir leur mission, dressèrent un procès-verbal fort violent contre les perturbateurs, et l’intendant Barentin auquel « les dames Forain et Rigny avaient tenu des propos séditieux crut devoir s’assurer de leurs personnes. »

Le représentant du pouvoir royal ne pouvait rester sur cet échec. Il fit rendre à Exoudun « toutes les troupes d’infanterie qui étaient à Saint-Jean d’Angély, à Saintes et Angoulême et deux compagnies de chevau-légers; il avait ordre de s’y transporter en personne de faire démolir le temple et, après cette démolition, de laisser dans le bourg le nombre de troupes qu’il pourrait supporter pout y tenir garnison pendant le reste de l’hiver. On fit en conséquence venir ces troupes à Exoudun; après qu’elles y eurent fait quelque séjour, M. Barentin s’y transporta, accompagné du comte de Pardaillan, lieutenant du roi de la province: la démolition fut faite en leur présence. Ils allèrent ensuite détruire celui de Couhé »(37).

C’est un nommé Pierre Maunet, maçon à Exoudun, qui monta le premier sur le temple pour en commencer la démolition. On fit brûler tout ce qui était de nature à alimenter la flamme, à tel point qu’il ne subsista de l’édifice que les pierres de démolition et quelques cendres. Une seule chose échappa à la destruction générale, ce sont les Tables de la loi de Dieu, autrement dit, le Décalogue. « Ces tables, dit Alfred Richard, sont peintes sur trois planches de noyer, entourées d’un cadre en relief; les lettres sont de couleur bistre sur fond noir; le tableau, avec son cadre mouluré qui est aussi noir, à 1m08 de hauteur sur 0m89 de largeur. » Ce travail se trouvait encore il y a quelques années aux mains de la famille Rouhier de Saint-Maixent(38). (voir la gravure ci-jointe)

La sévérité exagérée dont on venait de faire preuve, dépassa le but que l’on se proposait. Les deux dames, dont le rôle avait été si marqué dans cette affaire, furent enfermées à la Conciergerie de Poitiers où elles attendirent, pendant de longs mois, que l’on eut statué sur leur sort. La détention préventive qui leur fut imposée ne dura pas moins d’un an au bout duquel on renvoya chez elle la dame Forain pendant que sa fille, la dame de Régné, était transférée à la Bastille où elle resta internée jusqu’au 21 avril 1671.

Encore, exigea-t-on d’elle une promesse par écrit de ne point retourner en Poitou, tant on craignait que cette femme entreprenante et hardie ne relevât, par son exemple et par son courage, l’énergie des réformés. Revenue à Boissec en 1675, elle y demeura jusqu’à la révocation de l’Edit de Nantes. Elle se retira ensuite en Hollande où elle mourut.

Après la démolition du temple, on avait pillé, terrorisé; on avait recueilli quelques abjurations forcées par crainte de mauvais traitements et surtout par suite de la peur indicible que causait la présence des soldats; de nombreux réformés avaient cherché leur salut dans la fuite; mais dès que fut opéré le retrait des troupes, l’exaltation des parties se calma et une sorte de trêve s’ensuivit au cours de laquelle se firent quelques réunions secrètes. Ces réunions, bien rares en premier, devinrent plus fréquentes au fur et à mesure que la crainte se dissipait. Le pasteur Prioleau qui s’était tenu à l’écart pendant que les soldats occupaient la contrée, revint prêcher sur les ruines encore fumantes du temple, dans le parc de Boissec et dans quelques maisons de Bagnault.

Malgré toutes les précautions dont on s’entourait, l’intendant fut informé de ces réunions; il se fit renseigner sur leur importance, sur les lieux où elles se tenaient et put savoir les noms des anciens du consistoire qui avaient pris la parole ou au domicile desquels on s’était réuni. Nanti de ces renseignements, il fit arrêter tous ceux dont on lui avait livré les noms, puis les fit mettre en prison, les uns à Fontenay, les autres à Poitiers. L’instruction de leur procès donna lieu à bien des controverses; alors que les inculpés demandaient à être envoyés devant la chambre de l’Edit, ce qui était leur droit, l’intendant obtenait du Conseil d’Etat un arrêt aux termes duquel « les contraventions signalées devaient être jugées conjointement par l’intendant et le présidial de Fontenay à l’exclusion de tous autres juges » (26 janvier 1668). Les prisonniers ayant demandé qu’il fut adjoint à l’intendant un juge de leur religion, une lettre de cachet du 10 juin rejeta cette nouvelle demande. Tout espoir leur était désormais enlevé, c’était, à n’en pas douter, la peine des galères ou la mort.

C’est alors que leurs femmes, voyant avec quelle persistance l’intendant écartait tout ce qui pouvait leur être favorable pour les accabler sous un faisceau de charges fictives ou réelles, eurent recours à un dernier moyen: la grâce royale. S’armant de courage, elles partirent d’Exoudun pour se rendre à Paris afin d’implorer la pitié du roi avant que le jugement ne fut prononcé. Quand elles parurent devant le monarque, leur émotion fut telle que plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’aucune parole ne put sortir de leur bouche. Elles surent néanmoins émouvoir le roi, tout au moins faire plaider en leur faveur d’influents personnages, puisqu’elles se retirèrent en emportant la grâce de leurs maris. Une ordonnance spéciale arriva à Poitiers avant elles et ceux qui n’avaient plus d’espoir qu’en la miséricorde divine durent à l’admirable dévouement de leurs femmes, la vie et la liberté.

Se figure-t-on ce que dut être en tel voyage pour ces pauvres femmes ne connaissant ni la capitale, ni les usages de la cour, se demandant si le roi, qui avait jusqu’à ce jour encouragé l’intendant à agir avec la plus grande rigueur, consentait même à leur accorder audience? L’amour conjugal et l’amour maternel peuvent seuls engendrer de pareils dévouements.

 

Période de 1668 à 1681

 En conséquence de l’interdiction du culte réformé à Exoudun, prononcée par l’arrêt de 1634, amplifiée par celui de 1666, il était enjoint aux protestants de n’assister à aucun service religieux, (la messe exeptée), ailleurs qu’au chef-lieu du bailliage, c’est-à-dire à Lusignan, lieu distant d’une vingtaine de kilomètres. Ils tournèrent la difficulté en se rendant en cachette au temple de La Mothe ou bien en assistant aux réunions secrètes tenues dans les villages.

La sévérité que l’on avait déployée depuis quelque temps parut alors s’atténuer un peu ; il y eut une feinte tolérance derrière laquelle se cachait malheureusement de sinistres projets dont la mise à exécution allait être particulièrement funeste à notre contrée et à la France entière. Cependant, avant d’en arriver aux mesures arbitraires, conseillées par des courtisans mal intentionnés et mises en application en vertu du bon plaisir d’un orgueilleux souverain, on voulut essayer de moyens termes. Des moines furent désignés pour parcourir les paroisses où la population réformée était la plus dense, dans le but de provoquer en masse les abjurations de ceux qui étaient jusqu’à ce jour demeurés irréductibles..

Quelques succès furent obtenus dans la paroisse. L’archiprêtre put enregistrer, de 1668 à 1681, un nombre appréciable d’abjurations. Ainsi, le 27 mai 1668, il reçoit celle de Pierre Desnier qui est en même temps « absoulz de l’excommunication qu’il avait encourue. »

On sait combien cette peine, dont le clergé s’était fait une arme redoutable, frappait cruellement ceux qui l’avaient encourue. Ils étaient considérés comme des pestiférés. Nul ne devait les approcher ; les objets touchés par eux devaient être purifiés par le feu ; l’entrée des lieux saints leur était interdite et ils ne pouvaient être enterrés qu’en terre profane.

Les registres paroissiaux de l’époque mentionnent également Jean Dousset qui abjure le 8 septembre 1673, Marguerite Maunet, le 1 avril 1674 Marie Dreu, le 29 du même mois, laquelle, « assistant au prosne et prédication fait à la grand’messe par Mre Pierre Teudron, archiprêtre, renonce aux erreurs de l’hérésie de Calvin en présence de toute la paroisse. » Cette mise en scène avait été préparée à l’avance pour attirer à son auteur quelque marque d’approbation, aussi fut-il déclaré que l’acte « serait transcrit pour servir de mémoire dans un papier timbré. » Je ne puis donner ici une liste complète de ceux qui abjurèrent ni la date de leur abjuration. Toutefois, ce n’était là que certains cas isolés qui furent jugés insuffisants. Pour arriver à des résultats plus appréciables, un arrêt du 8 mars 1681 ordonna que tous les arrérages dus pour les impositions de toutes sortes seraient payés par les réformés seulement qui devaient être marqués d’un signe particulier sur les rôles des tailles afin qu’ils fussent grevés, tant pour les impôts que pour les gens de guerre. Les nouveaux convertis bénéficiaient d’une exemption totale.

Cette mesure détermina une recrudescence de conversions dont la sincérité était des plus douteuse. Toutefois, satisfait des résultats obtenus, l’intendant Marillac en informa la cour et demanda, pour parachever son oeuvre, qu’on l’autorisât à recourir aux dragons pour ramener au catholicisme les derniers récalcitrants, ceux qui s’étaient, jusqu’à ce jour, montrés irréductibles. C’était abonder dans le sens de Louvois et Madame de Maintenon, aussi l’autorisation sollicitée ne se fit pas attendre.

 

Les dragonnades

Bien que l’envoi des dragons eut été fixé au mois de novembre 1681, Exoudun eut le triste privilège de voir apparaître ces singuliers missionnaires dans ses murs dès le mois de juin. On n’avait pas encore oublié en haut lieu le soulèvement suscité une quinzaine d’années auparavant par la démolition du temple. La Cour et ses représentants en Poitou en avaient conservé un souvenir plutôt désagréable dont l’intendant Marillac ne demandait qu’à tirer vengeance; aussi le bourg et les villages, Bagnault en particulier, virent-ils dès en premier apparaître une véritable affluence de dragons animés du plus vil désir de débauche et de pillage.

On connaît le caractère odieux de ces « missions bottées » et les révoltantes cruautés dont elles se rendirent coupables. En arrivant dans un bourg ou dans un village, ces soldats, obéissant aux ordres reçus, lançaient leur sauvage cri de guerre : « Sus aux huguenots ! Sus aux calvinistes ! » puis se livraient à toutes sortes de démonstrations belliqueuses pour mieux épouvanter ceux qu’ils avaient pour mission de convertir. Ils cherchaient ensuite les maisons habitées par les réformés, s’y établissaient en maîtres, y vivaient à discrétion, brisaient les meubles qu’ils jetaient ensuite au feu, insultaient ou torturaient les hommes, souillaient les femmes, et n’abandonnaient leurs victimes que converties ou ruinées.

Du reste, il était défendu, sous les peines les plus sévères, à tous ceux de la R.P.R. d’abandonner leurs maisons ou d’en enlever quoi que ce soit. Les malheureux devaient attendre chez eux leurs ignobles persécuteurs et subir les dures exigences qu’il leur plaisait d’imposer. Et puis, pour masquer sous une apparence de piété les agissements de ces brutes avinées, le missionnaire Duclos les accompagnait, joignant ainsi le grotesque à la cruauté en leur répétant la formule alors adoptée : « Courage messieurs, c’est l’intention du roi que ces chiens de huguenots soient pillés et saccagés. » Point n’était besoin de tels encouragements, car les dragons étaient suffisamment portés par nature à commettre le maximum de malversations au détriment de leurs infortunées victimes.

Retracer le tableau des souffrances endurées par plusieurs habitants de la paroisse est impossible. A part quelques cas isolés, dont le récit nous a été conservé et est venu jusqu’à nous, combien dont les tortures physiques et morales nous sont inconnues ! La liste entière constituerait un véritable martyrologe.

L’un de ceux sur lequel parut s’exercer avec une intensité particulière la furie de ces agents forcenés, qu’un pouvoir absolu mettait en mouvement, fut Pierre Bonneau, demeurant à Bagnault, où il habitait l’ancienne hôtellerie de Saint-Jacques, spécialement fréquentée au moyen-âge par les pèlerins. Vers la mi-juillet de l’année 1681, il fut une première fois visité par les dragons. Ils étaient quatre : un capitaine, un trompette et deux valets dont un se trouvait momentanément dépourvu de monture, de sorte que les quatre hommes et leurs trois chevaux logèrent chez Bonneau qui dut les héberger de son mieux. C’était une forte dépense pour lui, étant donné les exigences de ces hôtes, dépense qui s’accrut encore, outre les frais de nourriture, d’une somme de quarante-deux livres par jour, soit dix livres dix sols par homme pour toute journée de présence. Ils s’en allèrent au bout de cinq jours en emportant la somme énorme de 210 livres, « environ 3423 francs de notre monnaie en 1935 », mais sans avoir pu triompher de la résistance opiniâtre de leur victime.

A peine étaient-ils partis, juste trois jours après, arrivent vingt-trois autres cavaliers qui, « en veine d’extravagance, allument vingt chandelles en plein midi, se font apporter des oeufs et lient avec une serviette autour d’une broche qu’ils contraignent leur hôte de tourner pendant plusieurs heures, devant un brasier qui le dévore lui-même. Cédant à la douleur, il se racheta de ce supplice en leur livrant son argent et ses papiers »(39).

Les dragons s’en allèrent les poches pleines, mais sans avoir converti Bonneau qui demeurait inébranlable. A peine délivré pour la deuxième fois, il arriva de nouveau douze autres soldats qui semblèrent prendre à tâche d’user sur leur victime tous les raffinements de la persécution. « Ils lui mettent la corde au cou, le traînent par les cheveux vers un véritable bûcher à l’ardeur duquel ils le tiennent exposé depuis six heures du soir jusqu’à six heures le lendemain matin »(39). Ces moyens barbares eurent enfin raison de la ténacité du malheureux Bonneau qui abjura devant ses bourreaux, mais du bout des lèvres seulement.

Pierre Marsault, habitant le bourg d’Exoudun avec sa fille, avait été l’objet de violentes menaces s’il ne se convertissait pas. Dédaignant ces menaces, sa fille et lui persistèrent dans leur foi avec une rare énergie. Trois ou quatre dragons les vinrent alors visiter avec l’espoir de triompher facilement de la résistance de Marsault, alors sexagénaire, et de celle de sa fille dont ils escomptaient la faiblesse de caractère. Ils commencèrent par menacer le père, le rouèrent de coups, le traînèrent par les cheveux et par les pieds sans réussir à le faire abjurer. En voyant son père ainsi maltraité, la fille de Marsault se jeta aux pieds de ces brutes pour leur demander grâce. Elle ne réussit qu’à détourner leur furie et à la diriger contre elle. Abandonnant le père inerte, ils pressent la fille de se convertir mais sans succès. Un lieutenant de cavalerie se saisit alors d’une pelle à feu et lui meurtrit les bras et la tête avec la plus extrême sauvagerie. Ils s’en allèrent enfin laissant leurs deux victimes sanglantes et inanimées.

Une de leurs voisines eut la paume des mains affreusement brûlée par des charbons incandescents qu’on l’obligea à tenir pendant qu’on la forçait de réciter très lentement un pater et un ave.

Et c’est sur de pareilles atrocités qu’un prince de l’église, le plus illustre prédicateur de l’époque, Bossuet, chantait le Te Deum à Notre Dame de Paris.

En dehors de certaines conversions forcées, d’autres furent obtenues par l’octroi de quelques avantages d’ordre pécuniaire, par les bons sur la caisse de Pellisson(40).

Malgré tous les procédés auxquels on avait recours, quelques familles restaient toujours fermes dans leur croyance. Ni les menaces, ni les mauvais traitements, ni l’appât de l’argent n’avait pu vaincre leur résistance.

L’une de celles qui eurent à endurer les plus odieuses, fut certainement la famille Migault, instituteur à Mougon. Le récit émouvant de ses misères a été retracé par lui-même dans son journal. Au cours des poursuites dont ils étaient l’objet, lui et les siens, ils furent recueillis et protégés contre la fureur des dragons par le seigneur de Petousse, Joseph Gillier, dont la famille tout entière était venue au protestantisme dès le début.

En 1682, la désolation était à son comble à Exoudun disent les historiens. L’industrie du Minot, la fabrication des fouasses si renommées de Bagnault, le tissage de la toile et de la laine qui occupaient un nombre élevé de petits artisans dans toute la paroisse, tout cela tomba pour ne plus se relever. A la prospérité du règne de Henri IV, succédèrent des années de misère et de ruine au cours desquelles les épidémies réapparurent avec une nouvelle intensité.

Les tristes victimes des dragonnades furent nombreuses en cette année 1681. En voici une liste bien incomplète :

Gilles, Paul et Daniel Sauzé, Jean Sauzé jeune et Jean Sauzé aîné, Paul et Pierre Moinault, Jacques et Isaac Fraigneau, Daniel Fouchier, André Richard, Charles Guion, Michel Roy, Etienne Thoreau, Méri Perrin et sa femme, Suzanne Parpais, Pierre Marsault et sa fille, Pierre Bonneau, Michel Geoffrion, Daniel Ayraud, Jean Morisson, Pierre Brunet, les enfants mineurs de Pierre Ochier, Jean Quillé, la veuve Touchard, la veuve Oger, la veuve Martineau, Suzanne Pervelle, Daniel Gaillard, Jean Pelletreau, etc...(41)

Tous ces infortunés se trouvèrent exposés aux mauvais traitements des dragons qui ne variaient les tortures que pour les rendre ou plus douloureuses ou plus déshonorantes. Ceux qui n’eurent pas le courage et la force de résister à ces violences furent au nombre de 955 pour la seule paroisse d’Exoudun.

Les années qui suivirent ajoutèrent encore à ces chiffres. Après les dragons, le capucin Duclos réapparut pour la seconde fois, mais ne put obtenir qu’une seule conversion, celle de Suzanne Girard, âgée de 17 ans, fille de Jean Girard persécuté par les dragons deux ans auparavant.

On peut dire que ces abjurations obtenues par la menace, par la terreur ou les mauvais traitements qu’elles avaient fait des hypocrites mais non des convertis sincères. En tout cas, il leur était strictement défendu, sous peine les plus sévères, d’assister à un prêche quelconque. De plus la présence d’un seul nouveau converti dans un temple entraînerait la démolition de celui-ci et la destitution du pasteur qui l’aurait toléré, par mégarde ou non. C’est ce qui se produisit à La Mothe le 20 février 1682. Une nouvelle convertie, Louise Méhée, ayant pris part à la communion, se vit condamner comme relapse, le pasteur Chauffepié fut interdit et le temple démoli le 5 mai 1683.

Pour assurer dans l’avenir le succès de la triste besogne accomplie par les dragons et les missionnaires, on s’attaqua aux enfants des nouveaux convertis auxquels il fut interdit de faire donner une instruction autre que l’instruction catholique. D’ailleurs, on avait déployé à l’égard des éducateurs protestants une telle sévérité qu’il ne s’en trouvait plus dans la région.

L’instituteur d’Exoudun, Louis Bourgueil(42), était, cela va sans dire, un catholique zélé. A sa charge de régent, s’ajoutaient les fonctions habituelles de sacristain, de fossoyeur et de chantre aux offices. Le service de l’école passait après celui de l’église et lui restait subordonné.

Malgré tout, la réforme restait, dans la majorité des cas, le culte secret du foyer domestique, le critérium de l’éducation donnée aux enfants. C’était le culte proscrit que le père enseignait le soir, lorsque la famille se trouvait groupée devant l’âtre, lorsque portes et fenêtres avaient été closes avec soin, lorsque la lumière indécise éclairait vaguement chaque physionomie attentive et recueillie, culte qu’il fallait ensuite renier le lendemain. Dès le bas-âge, les enfants se trouvaient initiés aux dangers de toutes sortes qui les environnaient, eux et leurs parents, s’ils négligeaient de s’entourer de précautions dictées par la prudence. A pareille école, on conçoit facilement qu’ils acquirent cette fermeté d’âme et de caractère qui en fit plus tard des hommes esclaves de leur conscience.

 

Révocation de l’Edit de Nantes

Vers le milieu de l’année 1685, la cour, fatiguée de la longue lutte qu’elle soutenait sans succès pour exterminer l’hérésie, déclara que tous les temples seraient fermés, puis le 24 octobre, elle publiait l’édit portant révocation de l’Edit de Nantes. L’oeuvre de paix et de conciliation d’Henri IV sombrait devant le bon plaisir de Louis XIV, aveuglé qu’il était par de faux rapports. Les conséquences de cet acte furent désastreuses pour la France entière.

Défense était faite aux réformés de s’assembler en n’importe quel lieu pour l’exercice de leur culte; défense de sortir du royaume sous peine de galères pour les hommes, d’emprisonnement pour les femmes; ordre de baptiser dans la religion catholique tous les enfants qui pourront naître de parents protestants; injonction formelle à tous les pasteurs de se convertir au catholicisme ou de sortir du royaume dans le délai de quinzaine sous peine de galères; en un mot, suppression totale de toutes les prérogatives octroyées par l’Edit de Nantes et retour aux scènes de violence et de pillage de certains règnes précédents.

Puis, les dragonnades reprirent de plus belle. Exoudun ne fut pas oublié dans la répartition des envoyés de Louvois. Au dire du pasteur Lièvre, ils arrivèrent ici au commencement de novembre, se livrèrent sur les malheureux qui se disposaient à s’expatrier à une véritable chasse à l’homme afin d’arrêter les fuyards. Ceux qui étaient pris étaient soumis aux traitements les plus barbares et les plus révoltants.

Les persécutions de 1681 n’avaient été que jeu d’enfants comparés à celles de 1685. Ordre fut donné aux soldats « de faire tout le plus de désordre qu’il se pourrait..... et de mettre en prison les religionnaires chez lesquels il n’y auroit plus de quoi nourrir les dragons.» Les gentilshommes eux-mêmes, les riches bourgeois ou les négociants ne furent point épargnés; « on leur fit entendre à tous qu’ils n’auroient ni paix ni douceur jusqu’à ce qu’ils eussent donné des marques d’une conversion sincère »(43).

On vit alors les galères se remplir de réformés. Les prisons regorgèrent de femmes et les couvents reçurent les jeunes filles qui étaient livrées aux sollicitations des prêtres et des religieuses; quant aux enfants, ils étaient conduits par force aux cérémonies du culte catholique.

Il ne restait plus en 1686, au dire de Foucault, que cinq cents protestants dans le Poitou et encore étaient-ils tous fugitifs ou prisonniers.

J’ai déjà dit que, dans le bourg d’Exoudun et dans les villages, se trouvaient de nombreux métiers à tisser qui occupaient les bras pendant la mauvaise saison. Les ergiers, les cardeurs de laine, les tisserands affluaient. A Bagnault, c’était les minotiers, les fouassiers, quelques cordiers, des potiers, aux mains desquels se trouvait l’industrie locale. Quand on les obligea à renier leurs croyances, plusieurs préférèrent émigrer; ces modestes artisans abandonnèrent leurs foyers en emportant avec eux la richesse, la prospérité et la force vitale du pays.

Le commerce des minots qui s’était localisé à Bagnault subit un contrecoup dont il ne se releva jamais, la fabrication des fouaces qui occupait une quarantaine de fouassiers fut arrêtée; les vastes hôtelleries jusqu’alors si fréquentées se fermèrent peu à peu; les marchés si renommés de Bagnault qui se tenaient au carrefour de la Coupe d’Or tombèrent subitement et les villes du littoral durent chercher ailleurs leur approvisionnement. Telles furent pour la contrée d’Exoudun et pour le village de Bagnault en particulier les tristes conséquences de cette révocation.

Dans le courant de novembre 1685, plusieurs femmes de Bagnault furent, parait-il, ramenées dans leurs foyers après avoir vainement tenté de s’enfuir; leur douleur physique et morale, jointe à la terreur que leur inspiraient les dragons, firent que presque toutes abjurèrent, tant à Exoudun que dans les paroisses voisines.

Au commencement de 1686, il ne restait pas plus de dix protestants dans la paroisse. Un grand nombre était parti sans espoir de retour; quant à ceux qui n’avaient pu se décider ou qui n’avaient pu trouver d’occasion favorable, ils se virent contraints à la messe forcée sous la conduite des dragons et la surveillance de l’archiprêtre. Les missions recommencèrent, les prêtres et les moines unirent leurs efforts à ceux des dragons comme ils l’avaient déjà fait cinq ans auparavant. Leur passage fut marqué par quelques abjurations, notamment celles de Louise Ursault, épouse de Jean Sauzé, qui abjure le 8 juillet 1686 à l’âge de 78 ans, celle de Jacques Martineau, âgé de 72 ans (10 octobre 1687), de Louis Souché de Loubigné, le 1 juin 1692.

Et pendant que ces ecclésiastiques s’évertuaient à faire disparaître les dernières traces du protestantisme, les charges imposées à la paroisse pour le logement des gens de guerre devenaient toujours plus onéreuses. Les procès-verbaux des assemblées de communauté des habitants nous en donnent un détail bien attristant.

Le 11 novembre 1685, il est enjoint aux habitants de « pourvoir incessamment aux amas de ce qui est nécessaire pour l’ustensile et rations d’un dragon et son cheval logé pour le quartier d’yver en lad. Parsse. » Une somme de 300 livres (environ 4890 francs de notre monnaie en 1935) est prélevée pour ledit entretien. Ce dragon était logé chez Marsault « me holte à Exoudun ». Le 25 novembre suivant, les collecteurs signalent nombre de nouveaux convertis et autres qui ont abandonné la paroisse.

Parmi ceux-ci je relève:

= Marie Dardin qui a abandonné pour cause de religion;

= Suzanne Bourdon, fille de Pierre et de Marie Bougouin, retirée dans les pays étrangers au sujet de la R.P.R. qu’elle professait;

= Jean Sauzé et Louise Fouquet sa femme, marchands à Exoudun, fugitifs du royaume;

= Pierre Saboureau et sa femme, fugitifs;

= Pierre Delavault et sa femme, fugitifs;

= La veuve Fragnault, nouvelle convertie, fugitive;

= Moïze Dardin, sargattier qui a abandonné pour cause de religion; etc, etc.

Cette liste tronquée ne donne qu’une idée bien imparfaite du nombre de ceux qui cherchèrent un refuge à l’étranger.

En 1691, le 2 septembre, il est à nouveau enjoint aux habitants d’Exoudun de « fournir pour les soldats de la cavalerie de la compagnie du colonelle de Sybour quy sont en garnison à La Mothe (ils y étaient depuis plus d’un an) quatre rations par chascun jour compozées chascune de deux tiers d’un boisseau d’avoyne, mesure de Paris, quinze livres de foing et dix livres de paille ou vingt livres de foing sans paille aux conditions de cinq sols de remboursement par chaque ration sauf les trois deniers par livre pour les invalides à commencer icelles le 23° dud. mois d’aoust ».

Cette fourniture donna lieu à une imposition de 60 livres sur les habitants « sujets à ustancilles. »

Au commencement de l’année 1693, un détachement « du régiment de la Roche de Bretagne » était cantonné à Exoudun où l’un des soldats de ce détachement meurt et est enterré le 26 janvier. A peine étaient-il parti qu’il est remplacé par la « compagnie du Sieur de Cléry » puis par celle « de Saint-Maurice du régiment d’Arles » laquelle y séjourne de septembre 1693 à mars 1694.

Dans une assemblée du 19 septembre 1694, les habitants déclarent « qu’il y a depuis plusieurs années presque toujours eu des troupes et entre autres celle-cy des gentilshommes du bancq de Bourgogne quy y ont fait un désordre très considérable, qu’il ne s’y est depuis longtemps cueilly que très peu de bled et point de vin et supplient Mond. Sgr l’intendant de les soulager et diminuer dans les tailles à proportion de ce qu’il y a de taux de perdus dans la paroisse et de ce qu’il leur en a coûté à cause du logement qu’ils ont eu desd. gentilshommes pendant plus de deux mois. Ils supplient de plus Mond. Sgr l’intendant de considérer la grande quantité d’habitants quy ont quitté la paroisse et d’autres quy ont déserté sans faire avertir ny que l’on sut où ils sont. »

Excédés et ruinés par la présence ininterrompue de ces troupes, les malheureux demandent que l’on ait pitié de leur misère et de leur dénuement. Le soulagement demandé se fit assez longtemps attendre, mais il fut enfin accordé sous forme d’un secours de 471 livres 5 deniers. Toutefois les gentilshommes du ban de Bourgogne dont la présence néfaste était odieuse à tous, n’en prolongèrent pas moins leur séjour pendant toute l’année 1695. Et ils en arrivèrent eux-mêmes à se plaindre « qu’ils estoyent très mal logéz chez la majeure partye des plus pauvres habittants. » Pour remédier à cela, ordre fut donné aux procureurs syndics de la paroisse « de choisir autan des meilleurs habitans qu’il y a de gentilshommes logés dans lad. paroisse afin de les y mettre pendant le temps qu’ils resteront dans icelle, sauf à faire contribuer le surplus des habittans suivant leurs facultez. » (ma collection)

Malgré toutes ces misères, toutes ces tracasseries, malgré la présence permanente des dragons, les rares protestants qui restaient tentèrent néanmoins de réorganiser leur culte. On commença par de petites réunions qui allèrent grossissant au fur et à mesure que se relâchait la persécution. L’intendant du Poitou recevait du reste de la cour des instructions ayant, disaient les catholiques, « le caractère d’un relâchement très préjudiciable aux affaires de la religion. »

Ce relâchement de sévérité avait des causes: la famine se faisait cruellement sentir; la misère avait augmenté dans d’effrayantes proportions; les campagnes se couvraient de vagabonds que le défaut de ressources rendait parfois criminels; la maladie et la mort planaient partout. Reconnaissant trop tard les fautes commises, le pouvoir royal laissa l’émigration à peu près libre, de sorte que plusieurs, usant de cette tolérance passagère, gagnèrent l’Angleterre ou la Hollande

Je donne ci-après une liste des protestants de la paroisse réfugiés en Angleterre liste communiquée par M. Ramette, pasteur à Londres. Je n’ai pas pu obtenir la liste de ceux réfugiés en Hollande.

 Exoudun.

= 1° Jean Reaut, tisserand, et Jeanne Mayeux, son épouse, ainsi que leur fils Jean;

= 2° Jacques Aumonier, époux de Renée Minot, et leurs deux enfants;

= 3° Jean Peltreau, époux de Magdeleine Aumonier, et leurs quatre enfants;

= 4° François Peltreau, époux d’Elisabeth Mainyal (de Londres), et leurs trois enfants;

= 5° Pierre Bouquet, époux de Marie Chauvin, et leur fils Jacques;

= 6° Daniel Minot, époux de Suzanne Sagot, et leurs trois enfants;

= 7° Jean Pelletreau, époux de Marie Laives, et leurs trois enfants;

= 8° Jacques Bourdeil et son épouse;

= 9° Madelaine Giraud;

= 10° François Caillon;

= 11° Charles Dorbé;

= 12° Pierre Minot;

= 13° Daniel Morin.

 Bagnault.

= 1° Madeleine Bagnon, épouse de Michel Raphaël de Nyon par mariage contracté à Londres;

= 2° Jeanne Peltreau qui épouse, une fois réfugiée, Pierre Clavier de Pouzauges;

= 3° Jean Bellivier, époux de Marie David de Mouilleron en Pareds (Vendée) et leurs quatre enfants.

 Brieuil d’Exoudun.

= Jacques Escoine, époux de Jeanne Bigon et leur fils Louis.

 Un bien petit nombre se décida malgré tout à ne point abandonner le pays natal et à ne point renier sa foi. C’était le parti le plus dangereux. Ils furent exposés à une révoltante persécution. Louis Richard et J. Girard de Bagnault furent envoyés aux galères et leurs femmes réfugiées dans des couvents.

  

Les assemblées au « Désert »

 Le « Désert », dans l’histoire de la Réforme, est cette période de deux siècles environ, qui, partant du 24 octobre 1685, date de la révocation de l’Edit de Nantes se termine au 1° novembre 1787, époque à laquelle fut accordé l’Edit de Tolérance.

Au cours de cette période, et après la bourrasque occasionnée par les dragonnades, les réunions reprirent clandestinement d’abord, de nuit, tantôt dans quelque maison isolée, tantôt en plein air, suivant que le permettait la saison et la température. Là, de simples artisans, des laboureurs, à qui la foi et le zèle tenait lieu de doctrine et de science, remplissaient, sous le nom de « prédicants volontaires de la parole et du sang » l’office de pasteurs.

Dès que l’on eut jour de ces assemblées secrètes, les dénonciations affluèrent. Les curés d’Exoudun et de Vançais furent des premiers à se plaindre que les protestants ne consentaient plus à la messe forcée.

L’archiprêtre Bontemps écrivit au lieutenant de la maréchaussée de Poitiers, le 7 février 1696, une lettre typique pour le prier d’arrêter un « converti » de Bagnault; j’en donne ci-après la copie littérale:

« Monsieur,

Si le zèle que Dieu m’inspire pour le salut du troupeau qu’il m’a confié me fait prendre la liberté de vous adresser cette lettre la justice et la pitié qui ne nous retient pas moins que le rang que vous tenez à Poitiers me fait espérer que vous voudrez bien la recevoir et que vous ne refuserez pas le secours de votre autorité à celui qui ne l’implore que pour la gloire de Dieu et la conversion d’un nommé Pierre Chinon, mon paroissien, cordonnier marchand cabarettier au village de Bagnault, qui, au grand scandalle de toute ma paroisse et plusieurs autres circonvoisines, persiste encore dans les pernicieux sentiments de la religion prétendue réformée sans que mes douceurs et mes caresses ayent pü les lui faire abjurer suivant et conformément aux ordres de Sa Majesté. Je suis moralement assuré que vous en ferez tout ce qu’il vous plaira dans la prison. Je ne doute pas même que vous ne l’y fassiez mettre pourvu que les officiers que vous aurez la bonté d’envoyer ayant l’adresse de cacher leurs bandolières et de tenir la chose bien secrette. Je leur offrirais de bon coeur mon logis à votre considération si la prudence ne me faisait croire un meilleur secret. S’ils ont soing de descendre chez le nommé Bardonielle(44) cabaretier et procureur syndic dudit village de Bagnault et feignant d’avoir besoing de la main du cordonnier pour raccommoder leurs bottes ou leurs souliers. Ils s’empareront infailliblement de sa personne qui est imprenable de toute autres manières tant parce que ledit Chinon est « fort adroit que parce qu’il est regardé de tous nos huguenots comme l’honneur de leur religion et comme celui que la Providence a suscité pour rétablir toutes les ruines. Si vous jugez ma présence nécessaire ou pour rééditer de vive voix ce que j’avance par ma plume, je m’en réfère à vos ordres et je les exécuterai. Bontemps, archiprêtre. Exoudun »(45)

Je n’ai pu trouver aucune indication me faisant connaître si Chinon avait été victime du guet-apens dont il est question dans la lettre ci-dessus, mais sa trace ne se trouve plus à Bagnault à partir de cette date. C’est à de semblables délations, qui ne répugnaient point la conscience d’un ecclésiastique, que bon nombre de galériens pour fait de religion durent leur triste sort, que plusieurs malheureuses femmes furent emprisonnées.

L’arrivée au pouvoir du Comte de Pontchartrain, remplaçant Louvois, marqua le début d’une période plus calme. Les protestants d’Exoudun en profitèrent pour tenir des assemblées un peu partout, tant les lieux de réunions abondaient aux alentours. Pendant la belle saison, les bois du Rochereau, de la Tresse, de Fontblanche, du Souil, étaient parsemés de clairières où l’on savait ne pas avoir à redouter les investigations de ceux qui avaient pour mission de dénouer ces assemblées. En hiver, on se réunissait dans une maison ou une servitude à l’écart des chemins fréquentés.

L’heure venue, on partait en passant, qui dans un sentier, qui dans un chemin, qui à travers champs, mais tous en observant le plus religieux silence. Arrivé au lieu désigné, le prédicant, debout sur un tertre gazonné ou sur un tabouret, prenait la parole, racontait les persécutions exercées en différents points, engageait à la résistance, et, après avoir chanté des cantiques et béni l’assemblée, les assistants se dispersaient lentement et silencieusement à travers les ténèbres. Ce culte si simple, célébré nuitamment sous la voûte étoilée, dans le silence impressionnant de la nature et à l’heure vespérale où tout semble vouloir se livrer au repos, avait un caractère mystique et solennel qui frappait les imaginations et fortifiait les âmes. Ce n’était certes pas de brillants orateurs que ces pauvres prédicants parcourant ainsi les campagnes, et pourtant quelques-uns d’entre eux ont eu leur heure de célébrité. On sentait chez eux la foi robuste qui les inspirait et qui perçait dans leurs paroles, sans recherche et sans art, on connaissait leur dévouement à toute épreuve pour assurer le triomphe de leurs dogmes et cela suffisait pour provoquer l’enthousiasme de leurs auditeurs.

On eut tort de ne pas toujours s’entourer de précautions suffisantes pour éviter que des traîtres ne se glissassent dans les réunions. L’archiprêtre eut des espions qui se dissimulèrent à travers les assistants pour venir ensuite lui rendre un compte fidèle de ce que l’on avait dit ou fait. Le nouveau seigneur de Petousse, lui-même, d’Aitz de Mesmy, ayant eu jour de ces réunions, de ces prêches nocturnes, les dénonça à l’intendant. Sa dénonciation eut pour résultat de faire arrêter Pierre Bonnet, marchand minotier à Bagnault le 29 juillet 1698. Ce malheureux fut condamné aux galères à perpétuité parce que deux réunions s’étaient tenues chez lui.

Ce cruel exemple ne ralentit point les progrès de la foi renaissante; la majorité de ceux qui avaient abjuré quelques années auparavant revenait à la Réforme(46); à nouveau, on désertait l’église.

A titre de protestation contre la condamnation qui venait de frapper Bonnet, une assemblée fort importante se réunit à « la Trairie », paroisse d’Exoudun(47), dit un document de l’époque, mais j’avoue n’avoir pu jusqu’à présent identifier ce lieu-dit. D’autres furent tenues dans les villages. Les soldats en étaient presque arrivés à jouer le rôle inutile d’épouvantails sans s’opposer à ces réunions; et, à l’archiprêtre, il fut enjoint « de parler aux huguenots avec douceur et charité, sans se servir indirectement, comme plusieurs ont fait, des menaces et autres voies de rigueur, que les ecclésiastiques doivent laisser aux séculiers, sans jamais s’en servir, parce que cette conduite les rend odieux à ceux à la conversion desquels ils veulent travailler »(48).

A cette accalmie, succéda bientôt une nouvelle ère de persécutions, et, jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, cette intermittence de périodes de calme et de troubles ne cessa de se dérouler. Elle était subordonnée aux fluctuations de la politique: quand la paix régnait au-dehors, c’était le moment des discordes intérieures et des persécutions; puis, pendant la paix intérieure, c’était la guerre au-dehors.

Malgré tout, il fallait de temps à autre quelques victimes expiatoires pour montrer que le zèle des subalternes ne se démenait pas. Deux habitants de Bagnault, Minault père et fils, furent emprisonnés pour avoir tenté d’émigrer. Bonnet d’Exoudun subit le même sort. Louis Garreau fut condamné aux galères à perpétuité pour avoir favorisé la fuite de la famille Sauzeau, pendant que Pierre Micheau, pour faits semblables, était pendu à La Mothe le 8 juillet 1715. Son corps resta pendant plusieurs jours attaché à la potence par une chaîne de fer afin que cette vue intimidât les plus obstinés.

Au cours de l’année 1715, les réunions protestantes devinrent moins fréquentes par crainte du farouche délégué et de ses terribles soudards. Mais par contre, il s’en tint plusieurs pendant la belle saison de 1717 à Exoudun, à Loubigné, à Javarzay non loin de Bougon. Le curé de ce lieu, outré de l’audace des réformés qui osaient s’assembler presqu’à sa porte, écrivit à l’intendant, le 28 juillet, dans les termes suivants: « Les églises de nos paroisses sont tristement désertes par un brigandage sans mesure qui se multiplie et qui ne cessera qu’après l’exécution dont je les ai menacés (les Huguenots) de votre part et que nous attendons de votre justice. » Si l’on ne peut, ajoutait-il, s’emparer des prédicants, on s’assurera des auditeurs « qui sont aussi dignes de châtiments, et l’exemple qui se fera sur eux ne sera pas d’un moindre produit »(49).

En suivant les prescriptions de ce curé et en opérant ainsi dans chaque paroisse, les prisons eussent été vite remplies. L’intendant aurait trop à faire s’il avait fallu tenir compte de toutes les lettres de ce genre qui parvenaient chaque jour de plusieurs points de la province. Le curé en fut donc pour ses frais.

Les fêtes de Pâques et la Pentecôte 1718, dont la célébration « au désert » fut le point de départ de plusieurs autres réunions, tant à Exoudun qu’à Bagnault, déterminèrent la mise en action du subdélégué Chebrou et de ses agents. La compagnie de sieur de Beauregard, lieutenant-colonel au régiment de la Trémoille tint garnison à Exoudun où l’un de ses dragons épousait Louise Sauzé, le 20 août 1718.

L’année suivante, au cours d’une grande assemblée tenue à Mougon où prêchait Berthelot, trois ou quatre protestants d’Exoudun y furent faits prisonniers(50). Emmenés à Niort, leur procès fut rapidement instruit et la peine prononcée contre eux fut légère.

Cependant, la surveillance de l’archiprêtre ne se relâchait à aucun moment. Il veillait avec un soin jaloux à ce qu’aucune infraction aux ordonnances et aux édits ne fut commise; les actes de l’état civil nous montrent avec quel zèle, il s’acquittait de sa mission.

Le 16 mai 1710, un enfant en très bas âge étant décédé, il laissa, au cours de la rédaction de son acte funéraire, exhaler les sentiments de haine qu’il nourrit à l’égard de son père, Pierre Rangé, lequel dit-il est: « le plus orgueilleux, le plus mutin, le plus séditieux, le plus insolent, le plus scandaleux, le plus brutal et le plus capricieux de tous les hommes que nous n'ayons jamais connus à charge à toute la paroisse et encore plus odieux et plus insupportable à nous-mêmes »(51).. Un autre enfant, Jean Vaudier, fils de jean Vaudier et de Marie Pareau de Bagnault, meurt le 30 novembre 1713 et est enterré selon les rites du culte réformé « dans la terre profonde du jardin de sa maison », de quoi ayant été avisé, l’archiprêtre le fit exhumer pour lui donner une sépulture ecclésiastique « au cimetière ancien d’Exoudun ».

On le voit, les morts eux-mêmes ne pouvaient dormir en repos leur dernier sommeil, ils avaient à compter avec l’intolérance et le fanatisme. Plusieurs d’entre eux, enterrés selon la coutume protestante, eurent leur sépulture violée pour être inhumés à nouveau par les soins de l’archiprêtre. Heureux encore quand ces dépouilles mortelles n’étaient pas traînées sur la claie et abandonnée ensuite à la voirie. Toutes ces tracasseries entretenaient dans les esprits une fermentation dont chacun avait à souffrir, fermentation qu’augmentaient encore les agissements des agents du pouvoir.

En 1721, au mois de juillet, Chebrou, fatigué de faire poursuivre Berthelot(52) qui demeurait toujours imprenable, résolut d’entreprendre lui-même la capture du célèbre prédicant. Accompagné d’un exempt et de quelques soldats, il arriva à Exoudun, opéra de minutieuses recherches à Bagnault, « ce repaire du protestantisme local », à Brieuil, à Fontblanche et ne laissa aucun village, hameau ou maison isolée sans y porter ses investigations. Des détachements de troupes opérèrent des battues comme s’il se fut agi de dépister une bête fauve. On offrit de payer une forte somme à celui qui livrerait Berthelot. « Le prix du sang » n’exerça de tentation sur personne; au lieu de livrer celui, à la prise duquel on attachait un si haut prix, on ne fournissait sur son compte que les renseignements les plus contradictoires et les plus embrouillés. Tel disait l’avoir vu à Bagnault qui le savait à Bougon ou à Prailles; tel autre certifiait qu’il devait faire une réunion le lendemain à un endroit désigné alors qu’il s’en trouvait à plusieurs lieus. La ruse, essayée auprès des enfants ne réussit pas mieux bien que l’on eût escompté quelque aveu de leur franchise ou de leur naïveté. Ils répondaient aussi habilement que leurs parents et firent preuve, en maintes circonstances, d’un courage qui, certes, était au-dessus de leur âge. L’un d’eux, âgé de dix ans, fut traîné sur la claie pour avoir refusé de nommer les assistants d’une réunion à laquelle il avait assisté.

En 1726, « les assemblées se multiplièrent dans les bois de l’Hermitain, d’Argentières, dans les vallons de la Sèvre » malgré les ordres sévères donnés pour les empêcher. Chebrou se résigna alors, selon son expression, « à faire beaucoup de bruit sans grand mal. » Ce rôle de croque-mitaine avait peu de succès. Les protestants, habitués à exposer leur liberté et leur vie, se souciaient peu des rodomontades de cet agent et mirent plus d’une fois en défaut les nombreux espions qu’il avait à sa solde.

Le ministère du cardinal de Fleury, honnête homme à qui les mesures de rigueur répugnaient, ramena un calme relatif pendant lequel Exoudun et les paroisses environnantes furent visitées par le pasteur Chapel(53) qui semblaient se jouer à plaisir du subdélégué et de ses agents. On eut dit qu’il vivait sous la protection d’une puissance occulte et qu’un pouvoir magique le rendait imprenable.

Quand les agents de Chebrou arrivèrent à Boissec, en la paroisse d’Avon, le 6 mars 1730, dans le dessein de la capturer, il était réfugié à Loubigné. Quelques jours après, il prêchait à la métairie des Renardières, non loin de Saint-Sauvant. Après avoir couru les plus grands dangers avec un zèle infatigable, il abandonna notre contrée.

Pendant les années qui suivirent, la population protestante d’Exoudun fut visitée tantôt par quelque pasteur, tantôt par des prédicants. Presque tous ceux qui avaient abjuré au moment de la révocation, assistaient à ces réunions au lieu d’assister à la messe. Voyant que les précautions prises pour obtenir les conversions en masse aussitôt après la révocation avaient été loin de produire les effets attendus, on décida de frapper désormais les morts comme les vivants. Beaucoup qui avaient, en bonne santé, cédé à la crainte, n’étaient convertis qu’en apparence; au lit de mort, ils refusaient les sacrements de l’Eglise et mouraient « relaps. » On mit à les châtier une rigueur extrême. On fit le procès aux cadavres ou à leur mémoire, conformément à l’ordonnance criminelle de 1670, les corps furent parfois traînés sur la claie, jetés à la voirie et leurs biens confisqués. Cette procédure fut appliquée aux « hérétiques protestants » en vertu d’ordonnances royales de 1686, renouvelées et confirmées en 1715 et en 1724. Elle se continua jusqu’à la Révolution.

C’est là l’explication de ces abjurations in extremis prononcées au lit de mort à l’âge de 78 ou 80 ans ainsi qu’il m’a été donné d’en relever en parcourant les anciens registres paroissiaux d’Exoudun. Je n’ai pas eu connaissance toutefois qu’il y ait eu des corps traînés sur la claie ou abandonnés à la voirie, mais plusieurs furent enterrés nuitamment et sans bruit.

En 1739, le 21 décembre, Marie Bernard, épouse de Paul Guionnet, minotier, étant décédée, celui-ci demande à l’archiprêtre, Pierre Pelletier, de l’enterrer en terre chrétienne. A quoi ledit Pelletier répond « que jamais il n’avoit connu cette femme pour sa paroissienne dexoudun nétant jamais venue à lesglize ny participé aux sacrements depuis quil en est le pasteur, que l’on luy a caché sa maladie, sans doute par la crainte qu’a eü cette femme quil ne la fut voir pour la solliciter à se convertir et luy administrer les sacrements(54), » et qu’en conséquence, il se refuse de lui donner la sépulture demandée.

Ce cas n’était pas isolé. Les protestants étaient réduits, quand un des leurs venait à décéder, à faire établir un acte de décès par un notaire qui constatait en même temps le refus d’enterrer du curé(55). Mais ces difficultés ne rebutaient aucunement le zèle des protestants ou de leurs pasteurs.

En 1744, Gounon dit Pradon vint du midi et fut pendant quelques années le seul ministre du Poitou. Il parcourait tout le pays avec un zèle infatigable qui lui attira la haine des curés, laquelle se traduisit par de nombreuses dénonciations. L’intendant Berryer, chargé d’enquêter à son sujet, écrivit: « Il y a peu de choses à craindre de la part de ces gens-là, n’y ayant aucune personne de marque, pas même un gentilhomme et très peu de bourgeois(56). » Il concluait en disant que ces paysans « occupés seulement de la pratique de leur religion » ne lui inspirait aucune crainte.

Ce rapport valut quelques années de calme; malheureusement, le clergé, dont la ténacité ne se démentait point, combattait sourdement les avis des sages conseillers du roi, de ceux qui voulaient la paix et la prospérité à l’intérieur, et qui préconisaient le retour des persécutions. Elles recommencèrent en 1715.

Dans les premiers jours d’avril, la maréchaussée s’étant adjoint cinq compagnies de cavaliers, se rendit à Bagnault où elle mit plusieurs maisons au pillage sous prétexte que les habitants avaient fait bénir leurs mariages ou baptiser leurs enfants au désert. Elle répandit, par ses excès, la terreur et le désespoir dans toute la paroisse. Pressentant de nouvelles dragonnades, bon nombre d’habitants prirent la fuite en voyant conduire en prison leurs parents ou leurs voisins. Plusieurs « couchèrent hors de chez eux pendant trois ou quatre mois, n’osant aller ni à foire ni à marché(57). » Les uns vécurent dans les bois en évitant les lieux habités; d’autres ne revinrent chez eux qu’après plusieurs mois d’absence; quelques-uns ne revinrent jamais. On en cite un de Bagnault qui vécut pendant deux ans dans les bois avoisinants avant de réintégrer son domicile. Les prisons de Melle et de Saint-Maixent étaient encombrées. Les jeunes gens que leurs parents avaient élevés dans la religion protestante étaient enrégimentés de force; des procès ruineux furent intentés pour le seul fait de religion. « Le bourg d’Exoudun terrifié resta presque désert pendant deux mois. De 1750 à 1757, plus de cent réformés de cette paroisse furent emprisonnés à Saint-Maixent et Melle(58). » Les plus éprouvés furent: Jean, Pierre et Paul Gionnet, Servant, Rougier, Pierre et Jean Richard, Jean Souché de Loubigné, Pierre, Jacques et Paul Métayer. C’est alors que les frères Métayer de Bagnault résolurent d’abandonner leur pays natal ainsi que l’atteste un document retrouvé dans les papiers de cette famille. Ils s’en allèrent en Suisse pour y étudier la théologie.

Deux pasteurs se partageaient alors la tâche de visiter les protestants de la région: Gounon et Gamain entre lesquels fut fait, à la suite d’un différend, le partage des églises. Pour éviter l’intrusion des espions dans leurs assemblées, les réformés instituèrent l’usage de ces jetons de plomb ou d’étain appelés « méreaux » et que les anciens distribuaient aux fidèles. Les porteurs de ces méreaux devaient en faire la remise au moment où ils s’approchaient de la Sainte Table et cet usage s’est perpétué jusque dans la seconde moitié du siècle dernier(59).

Alors que les églises de La Mothe, Chenay, Chey, Vauçais, Lezay et autres étaient pourvues chacune d’une ou plusieurs sortes de méreaux à leur nom, je n’ai pu, jusqu’à présent en découvrir un seul spécial à l’église d’Exoudun.

Mais revenons aux persécutions qui se continuaient toujours aussi violentes. François Crémeault et Jeanne Boute.... sont contraints « d’abjurer l’hérésie de Calvin » tandis que la fille Proust qui refuse est grossièrement maltraitée. Une compagnie de dragons, logée à l’ancienne hôtellerie de Saint-Jacques à Bagnault, réédita les scènes affligeantes dont ce malheureux village avait tant de fois été le théâtre depuis 1681. Un certain nombre de réformés qui avaient pu jusqu’à ce jour échapper à leurs atteintes furent, en cette année 1752, appréhendés et conduits en prison à Saint-Maixent. En quelques mois, près d’une centaine d’infortunés se virent enlevés à leurs familles et emprisonnés de la façon la plus arbitraire. Puis, afin de laisser à la postérité souvenir de leurs tristes exploits, les dragons relatèrent sur l’appui d’une fenêtre de l’hôtellerie où ils étaient logés, la trace de leur passage ainsi qu’il suit:

LAN 1752

LES DRAGONS DORLEAN COMPNIE DE DULAC

LE 23 7BRE ONT ARRIVE ICY

 Leur séjour se prolongea au moins pendant deux ans, car le 13 janvier 1753, « Paul Rose dragon au régiment dorléans » est parrain de Paul Delaval et le 11 juillet 1754, « Messire ferdinand françois de Bertieni Genin Sr de St-Morice, lieutenant au régiment de dragons dorléans » tient à son tour sur les fonds baptismaux Anne Mercier née ce même jour. Entre temps, ils avaient exercé les plus mauvais traitements sur Jean Denizeau, Martin, Fraigneau et Baron, tous de Bagnault. Du reste le trop fameux Chebrou était loin d’avoir désarmé; sa haine, envers les protestants en général et ceux de la paroisse d’Exoudun en particulier, restait toujours aussi vivace. Le 4 juin 1763, étant en tournée de surveillance dans la paroisse, il assiste à la bénédiction nuptiale donnée en l’église à Jean Richard et Madeleine Ingrand et signe leur acte de mariage. « P. Chebrou subdélégué » (Archives communales. Registres paroissiaux).

Malgré tout, le protestantisme renaissant de toutes parts. Les quelques actes de persécution qui se manifestaient encore n’étaient que les dernières convulsions, les spasmes d’agonie d’une intolérance dont la vie s’éteignait. Les dragons eux-mêmes, remis encore en compagnie par le marquis de Foyanne, subdélégué de Saint-Maixent, refusèrent de sévir. Ils se firent même un devoir, en certaines circonstances, de s ’éloigner des lieux où se tenaient des assemblées, de sorte que la raison parlait au coeur des soldats avant d’éclairer le jugement de ceux qui les mettaient en marche.

Vers 1767, un jeune pasteur, encore étudiant à Lausanne, fut rappelé en Poitou. Comme il était originaire de Bagnault, il y fixa sa résidence et partagea les travaux des deux pasteurs Pougnard et Gamain. Quelques années plus tard, les deux frères Métayer et Gobineau dit Bazel exercèrent également leur ministère dans la région; ils représentent les derniers pasteurs au Désert.

En 1787, c’est-à-dire cent deux ans après la Révocation de l’Edit de Nantes, un nouvel édit, appelé édit de Tolérance, rendait aux « non catholiques ce que le droit naturel ne permettait pas de leur refuser, de faire constater leurs naissances, leurs mariages et leurs morts, afin de jouir, comme tous les autres sujets du roi, des effets civils qui en résultent. »

Cet acte de juste réparation, de saine politique, fut accueilli par tous les protestants avec un vif sentiment de reconnaissance et, jusqu’au jour où la tenue des registres de l’état-civil passa aux mains des administrations communales, les pasteurs eurent la charge de mentionner tous les actes de la vie civile de leurs coreligionnaires. En outre, en déclarant « qu’il n’était pas au pouvoir de la monarchie d’empêcher qu’il n’y ait différentes sectes dans l’état » celle-ci reniait publiquement l’oeuvre criminelle et néfaste accomplie par ceux qui en avaient été les représentants les plus absolus.

  

Le Protestantisme à Exoudun depuis 1789

 La révolution de 1789 accorda enfin la liberté des consciences à tous les français. Elle marqua la fin des persécutions religieuses, inaugura une ère de liberté succédant à la funeste et longue période pendant laquelle le fanatisme et les passions de toutes sortes s’étaient donné libre cours, aussi fut-elle accueillie avec enthousiasme par la population protestante d’Exoudun. Ce fut un moment d’allégresse pour ceux qui avaient tant souffert.

Longtemps avant cette date, les représentants de la noblesse et de la bourgeoisie qui, dans notre région, avaient été les promoteurs du mouvement réformiste, eux qui avaient marché à la tête de ce mouvement, qui avaient encouragé à la résistance cette honnête et laborieuse population, étaient revenus presque tous à la religion d’état. Les familles de Saint-George, de Gillier, d’Aitz de Mesmy, du Jay de la Taillée, les Fraigneau, les Sauzé, les Richard, les Marsault, etc, étaient revenus au catholicisme par calcul. Les premiers pour conserver intacts leurs privilèges, les autres pour pouvoir occuper des charges publiques ou des professions libérales. Ne trouvant plus dans le commerce et l’industrie les ressources qu’elle y trouvait autrefois, la bourgeoisie s’efforça d’obtenir des emplois rétribués. Toutefois, la majorité des familles protestantes du peuple resta fidèle à la tradition ancestrale. Les mesures de violence dont on les avait abreuvées n’avaient fait qu’augmenter leur résistance opiniâtre. On les avait maltraitées, martyrisées, mais non soumises. Elles ont conservé à peu près intacte cette austérité de moeurs qui imprime encore de nos jours son cachet si particulier aux protestants du village de Bagnault.

La loi de Germinal an X (avril 1802) reconnaissait tous les cultes en France. Les pasteurs, comme les curés devaient recevoir un traitement fixe. Mais Exoudun n’avait ni temple ni pasteur malgré le nombre élevé de protestants. Rattachée au consistoire de La Mothe dont le temple avait été rebâti, suivant acte du 14 mussidor an 13 (13 juillet 1805), le pasteur de ce lieu assurait le service religieux. Les protestants de la commune devaient alors se rendre au temple du chef-lieu de canton ou bien recourir à l’ancien système des assemblées au désert. Et cela se continua jusqu’en 1855.

Cependant, au cours de l’année 1845, des pourparlers s’entamèrent entre la municipalité et la sous-préfecture en vue de doter la commune d’un temple protestant. Il est vrai qu’un généreux citoyen, Richard Maisonneuve, avait, longtemps auparavant, proposé la construction d’un édifice unique dans lequel se célébreraient les cérémonies des deux cultes, mais cette proposition avait été rejetée comme inacceptable.

Le 2 novembre 1845, le conseil municipal réuni d’après une lettre du sous-préfet en date du 3 octobre précédent, « reconnaît que le jardin de M. Guiochon, propriétaire à Exoudun, situé sur les coteaux du moulin de Planche(60) convient parfaitement pour y édifier le temple et accepte la promesse de vente de M. Guiochon pour le prix déterminé. » (Archives communales)

Deux ans plus tard, cet emplacement était délaissé. Il ne répondait ni aux voeux de la population, ni à ceux de la municipalité qui jeta alors ses vues sur quatre petites parcelles dont la réunion constitue l’emplacement sur lequel a été bâti le temple actuel. Une somme de mille francs était votée pour l’acquisition du terrain et une autre de seize mille, dont l’état prenait la moitié à sa charge, pour la construction de l’édifice. Achevé dans le courant de l’année 1855, l’inauguration en fut fixée au 3 octobre de l’installation du nouveau pasteur Th. Lourdes se fit le même jour.

Depuis cette époque, cinq pasteurs ont été successivement appelés à exercer leur ministère de paix au milieu des fidèles d’Exoudun. Ce sont M. M. Lourdes, Forcade, Cru, Valentin, Bureau et Rivière.

La séparation des églises et de l’état, survenue au mois d’août 1905, a apporté certains changements dans l’organisation de l’église protestante d’Exoudun en particulier et dans l’organisation de toutes celles de France en général. Le consistoire de La Mothe dont dépendait Exoudun, a été dissout le 9 décembre 1905 par application de la loi de séparation et, depuis cette date, l’église protestante ne relève plus d’aucun consistoire mais de l’Union générale des Associations ou Synode national dont elle fait partie.

Elle s’est en effet constituée, conformément à la loi, en une association culturelle qui a élaboré puis voté ses statuts, nommé son comité directeur le 18 février 1906 et fait sa déclaration officielle à la sous-préfecture de Melle.

La dévolution des biens lui appartenant a été faite selon les dispositions mentionnées au procès-verbal du 13 mai 1906 notifié à la préfecture le 30 mai du même mois. Le détail en est indiqué dans l’inventaire établi le 10 février précédent.

Actuellement, l’église protestante d’Exoudun est prospère ainsi que toutes les oeuvres auxiliaires qui s’y rattachent. Bagnault reste toujours le palladium du protestantisme local.

Comme on vient de le voir, c’est une histoire poignante et triste que celle de cette honnête et laborieuse population d’Exoudun et de Bagnault. Elle n’a plus évidemment cette austérité de moeurs de nos vieux pères, de ceux à qui leurs ennemis les plus irréductibles ne pouvaient s’empêcher de reconnaître les plus hautes vertus morales et dont un écrivain contemporain, que l’on ne peut suspecter de partialité à leur égard, a dit: « la révocation de l’Edit de Nantes arrêta le progrès moral de la France parce qu’elle contraignit à l’exil ceux qu’elle appelait les hommes de la Bible et qui allaient porter ailleurs leur moralité, leur intelligence et leur foi. Pour la satisfaction de n’entendre louer Dieu qu’en latin, Louis XIV a vraiment détruit le nerf de la moralité française. » (Brunetière) Mais il faut reconnaître qu’il subsiste encore de nos jours un reste de ces vertus ancestrales.

La population actuelle, et principalement celle de Bagnault, a, jusqu’à présent, échappé à l’emprise de ce redoutable fléau de corruption morale et de dépravation qui envahit les villes et plusieurs centres campagnards. Le respect des enfants pour les parents faiblit; la déférence pour les vieillards devient de plus en plus rare; la vie patriarcale de famille où l’autorité du père s’exerçait sans obstacle n’existe plus, et on doit redouter que cette désunion de la famille ne soit le fâcheux prélude de la désunion de la société elle-même. Puisse ce fléau être enrayé!


J’ai raconté avec plus de détails les événements qui se sont déroulés dans notre bourgade dans mon histoire de l’église réformée et des protestants d’Exoudun à laquelle on pourra se reporter.


Biographies de quelques personnalités protestantes

Pasteurs

 

Penaud Genest

 Genest Penaud, né au Breuil d’Alaine ou d’Alène, en la paroisse de Saint-Maxoux près Civray, fut vraisemblablement le premier ministre en exercice à Exoudun. Je ne saurais dire à quelle époque précise il fut appelé à ce poste, mais il devait y exercer ses fonctions dès 1570, date à laquelle il contractait mariage, suivant contrat reçu à Saint-Maixent le 24 août par François Roquet, notaire royal, avec Françoise Bonneau, veuve de Denis Payn.

Lorsque le duc de Montpensier vint avec ses troupes, au mois d’août 1574, occuper Exoudun, Bagnault et La Mothe, Penaud, qui avait tout à redouter de cette présence, se retira à Lusignan ainsi que trois autres ministres. Cette place était alors occupée par le baron de Frontenay, vicomte de Rohan, à la tête d’un détachement protestant. Montpensier en entreprit le siège lequel fut long et difficile. Penaud en a retracé les péripéties dans une brochure intitulée « Discours sur les choses les plus remarcables avenues par chacun jour durant le siège de Lusignan en l’an 1574, imprimé nouvellement en 1775. » La capitulation fut signée le 14 janvier 1575 et tous les assiégés, ministres compris, avaient la liberté de se retirer où bon leur semblerait. Ils se retirèrent à La Rochelle où, malgré une infamie préparée par Montpensier, ils purent arriver sains et saufs, mais Penaud ne reparut plus à Exoudun.

 De La Mothe

 De La Mothe fut le deuxième ministre à poste fixe qu’ait eu l’église d’Exoudun.

Ayant exercé ses fonctions pendant quelques années à Chauvigny en Vendée, il y était encore le 1° août 1584, époque à laquelle il représentait son église au synode d’Exoudun. Le 10 octobre suivant, il assistait à celui de Jazeneuil, mais sa situation à Chauvigny était devenue tellement difficile qu’il profita de ce dernier synode pour la faire connaître aux membres de cette assemblée, leur narra les vexations sans nombre auxquelles les réformés de ce lieu étaient soumis, - notamment celle qui consistait à tendre un drap sur le devant de leurs maisons au passage des processions, - et leur fit part de la mesure dont il était l’objet, mesure en vertu de laquelle il lui était formellement interdit de résider dans le bourg.

En face de pareille situation, les membres du synode furent d’avis qu’il était désormais impossible de le maintenir de La Rochelle à Chauvigny et ils lui assignèrent le poste d’Exoudun où il vint se fixer aussitôt. Peu de temps après, il contactait mariage avec Abigaïl Bouhier, issue d’une famille protestante de la localité. Il en eut au moins deux filles dont l’une dénommée Abigaïl, comme sa mère, épousait vers 1810, Pierre Mirassol, maître chirurgien à Exoudun, tandis que sa soeur Louise épousait à son tour, le 5 mai 1626, Me Abraham Fraigneau, alors âgé de 63 ans, notaire royal à Exoudun, lequel en était à son troisième mariage ayant successivement épousé Marie Lévesque et Marie Palate.

Peut-être de La Mothe d’exercer ses fonctions de ministre avant l’avènement d’Henri IV ou bien les exerça-t-il concurremment avec Delavallée? Toujours est-il que le 13 mars 1602, il faisait l’achat d’une maison avec jardin, le tout situé à Bagnault. Cette maison « appellée la maison de Palice, tenait d’une part au chemin de Bagnault à Chenay à dextre et d’autre et par le derrière au courant d’eau qui descend dudit Chenay audit Bagnault étant mouvant des Srs commandeur de Bagnault et de la Lande. » Minutes des notaires de Pamproux)

De La Mothe était mort lors du mariage de sa fille Louise en 1626.

 Delavallée

 A l’avènement de Henri IV, les réformés d’Exoudun avaient pour pasteur Delavallée ou simplement La Vallée selon quelques-uns. Il desservit cette localité au moins pendant treize ans et à une époque où l’apaisement des esprits et la tolérance du pouvoir royal lui permirent d’exercer en toute quiétude son ministère de paix. Cette période comprend les plus beaux jours de l’église réformée d’Exoudun sous l’ancien régime.

Dans l’état que fit dresser le roi, le 15 mars 1590, afin de pouvoir payer les ministres qui se plaignaient de ne l’être point, on trouve la mention suivante concernant notre ministre: « La Vallée à Issoudun et La Mothe, 200 l. » Mais le champ d’action de Delavallée n’était pas limité à ces deux paroisses seulement, il s’étendait sur plusieurs paroisses circonvoisines. Le traitement alloué était uniforme quelle que fut l’importance ou l’étendue des lieux desservis.

A la promulgation de l’Edit de Nantes, Delavallée fut l’un des neuf pasteurs entre lesquels furent réparties les églises du Centre du Poitou. Deux ans auparavant, le 14 mai, il avait pris part au colloque tenu à Mougon dans le but de contribuer au relèvement et à la réorganisation des églises réformées.

Enfin, le 25 octobre 1603, quand on établit à Gap le tableau de toutes les églises avec le nom des pasteurs qui les desservaient, Delavallée fut encore porté comme desservant Exoudun. Il ne cessa ses fonctions qu’en 1608 et eut pour successeur Tireau.

 Tireau Théodore

 Seigneur de Boisjoulain et de la Jardonnière, Tireau fut ministre à Chantonnay et à Puybéliard de 1603 à 1608 environ. Il fut ensuite désigné pour Exoudun où il résida jusqu’en 1620, époque à laquelle il mourut.

Issu d’une famille venue au protestantisme dès le début de la Réforme, son père, ou peut-être lui-même, avait été pasteur à Saint-Maixent pendant quelques années et notamment en 1572.

Ses deux fils, Charles, seigneur de Sigournay, et Louis, sieur de la Cailletière, émigrèrent aussitôt après la révocation de l’Edit de Nantes en abandonnant leurs biens au fisc.

En 1663, un Théodore Tireau, pasteur, desservait Aizenay, le Poiré et Belleville; il était probablement de la même famille que le pasteur d’Exoudun.

 Monastier Nathanaël

 Un membre de la famille Monastier était pasteur dès 1572 et, pendant 26 ans, il desservit les églises de Saint-Gelais et de Cherveux, mais Monastier Nathanaël ne fut consacré qu’au commencement de l’année 1596, deux ans avant la promulgation de l’acte qui accordait aux protestants la liberté de conscience. Dès le 14 mai de cette même année, le colloque de Mougon le désignait pour aller aider et remplacer au besoin le Monastier, ministre à Saint-Gelais qui devait être son père.

En 1601, il eut à desservir les églises de Montreuil-Bonnin, Sanxais et Latillé; puis à la mort de Tireau, survenue en 1620, il fut nommé pasteur de l’église d’Exoudun. C’était aux plus mauvais jours du règne de Louis XIII. La ruine du parti huguenot, arrivée en 1628 par suite de la prise de La Rochelle, n’empêcha pas Monastier de maintenir son séjour à Exoudun ainsi que l’indique un document du 25 mai 1629 par lequel « noble homme Natanaël Monestier, ministre de la parole de Dieu en lesglize refformée dexoudun et y demeurant » avoue et déclare tenir certains biens de Hiérome Avice, écuyer, seigneur de Mougon. Son successeur fut Jean Vatable. (Minutes de l’étude Giraudias)

 Vatable Jean

 Il descendait probablement par son père, pasteur de La Chaume, des Sables d’Olonne et Saint-Gilles, de la même famille que le savant hébraïsant du même nom, venu de Normandie en Poitou vers 1595.

Son frère aîné et lui firent leurs études en commun et furent nommés à la même époque. En 1620, le premier eut à desservir les églises de Foussais et de Saint-Hilaire, tandis que Jean prenait possession de celle de Coulonges.

Ce doit être à son départ de Coulonges qu’il fut désigné pour venir à Exoudun où il acheva sa vie et son pastorat en 1646.

Prioleau Elisée

Fils d’Elisée Prioleau et de Marie Martin, le jeune Elisée vit le jour vers 1625. Son père était alors à Jonzac où il exerçait les fonctions de pasteur. Il fut appelé à Niort en 1639 pour remplacer Jean Chauffepié et se partager avec J. de Couignac la tâche considérable qui incombait aux pasteurs de cette localité. Le surcroît de travail qui lui fut imposé ne fut sans doute pas étranger à sa mort qui arriva en 1650, à un âge encore prématuré. Avant de mourir, il avait pu cependant diriger et surveiller l’instruction de ses deux fils. Il eut la joie de les voir consacrés puis nommés chacun à un poste. Elisée était appelé à Exoudun et Samuel à Poué....

La situation était délicate à Exoudun pour un jeune pasteur, un débutant. L’arrêt rendu par les Grands Jours à Poitiers en 1634, arrêt qui ordonnait la démolition du temple et l’interdiction du culte réformé n’avait jamais été exécutée. Les protestants, au lieu d’obtempérer aux ordres reçus avaient continué l’exercice de leur religion avec beaucoup de circonspection. Malgré tout, cela ne pouvait durer. Le zèle du jeune pasteur s’accommodait mal de cet état de choses et il ne sut pas toujours faire preuve d’une modération suffisante pour éviter des froissements qui ne pouvaient qu’être désavantageux pour lui et pour ses coreligionnaires. C’est ainsi que, malgré la défense qui lui avait été faite, Prioleau assista au synode de Lusignan; de concert avec les deux châtelaines de Boissec, il entretenait dans les esprits une fermentation qui devait tôt ou tard provoquer un éclat dont les conséquences furent si néfastes aux réformés d’Exoudun. J’ai déjà fait le récit des tristes événements qui se déroulèrent lors de la démolition du temple.

Le pasteur Prioleau était encore à son poste quand dans les derniers jours de novembre 1666, Jean de Razes et Marc Jarno se présentèrent une première fois, mais inutilement pour démolir le temple. On sait ce qui s’ensuivit. Le bourg et les villages furent occupés par de nombreux corps de troupes dont la présence créait un réel danger pour les jours de Prioleau. Prévoyant les atrocités qui allaient être commises et redoutant pour lui et sa famille les excès auxquels les soldats pourraient se livrer, il se retira en dehors d’Exoudun lorsque parurent, pour la seconde fois, les agents du pouvoir.

Sa maison et son mobilier furent soumis à un pillage en règle les 10 et 11 janvier 1667. Rien ne fut épargné; la plupart des meubles furent jetés au feu, la vaisselle brisée et les quelques provisions consommées ou jetées à la voirie. Le curé de Soudan, Babu, témoin oculaire de cette rage de destruction, en retrace le tableau suivant:

« Ils (les soldats) ont tout saccagé, son vin et son froment,

L’avoine et tout le foin de ses vaches et jument,

Un maître aliboron d’une plaisante sorte,

Juché dessus le seuil d’une première porte,

Vêtu de sa grand’robe et son habillement,

Autant qu’il le pouvait criait incessamment,

Bon vin tout frais percé à deux liards la pinte,

Chez Monsieur Prioleau, venez chercher sans crainte,

Et que pas un de nous ne vous soit suspect,

Hélas! Ce n’était plus la maison du respect,

Mais bien des jurements, du bruit et du ravage,

De p......, de voleurs et d’un vrai brigandage. »(61)

Une sorte d’apaisement, non exempte de dangers, succéda à ces sauvageries au bout d’un certain temps. La férocité des soldats qui tenaient garnison dans le bourg se calma peu à peu, de sorte que Prioleau put revenir prêcher sur les ruines du temple. C’était une nouvelle et grave imprudence de sa part, une sorte de défi jeté à l’intendant. Les résultats en furent immédiats. Informé de ces faits, Barentin fit arrêter Prioleau en compagnie de plusieurs anciens, non moins compromis que lui, les fit emprisonner avec l’espoir d’obtenir contre eux un jugement les condamnant à mort ou tout au moins aux galères à perpétuité, lorsque, ainsi que je l’ai déjà dit, ils furent sauvés par l’admirable dévouement de leurs femmes.

Revenir habiter Exoudun était désormais impossible, le séjour en ce lieu lui étant interdit, mais quelques années après, il obtint du synode sa nomination au poste de La Mothe-Saint-Héray où il desservit l’église jusqu’en 1682.

Le testament du curé Houlier de la Mothe, en date du 11 février 1684 nous apprend qu’à un moment donné Prioleau fut condamné à payer une croix d’argent audit curé « pour une irrévérence par luy commize devant le St-Sacrement. » Ayant reçu une relapse à la communion, le temple fut démoli et le pasteur dut prendre le chemin de l’exil. Du reste, la révocation de l’Edit de Nantes l’obligea comme tant d’autres à chercher en pays étranger ce qu’un gouvernement aveugle et despotique refusait d’accorder à ses enfants. Sa mort suivit de près son expatriation.

Sa famille, revenue en Poitou, resta fidèle au protestantisme et l’un de ses fils fut, en 1743, l’une des tristes victimes du fanatisme religieux. Il fut assassiné à la sortie d’une assemblée tenue à la Villedieu-du-Perron, aujourd’hui la Villedé, en la commune de Pamproux.

Avec Prioleau disparaît le dernier ministre à poste fixe de l’église d’Exoudun. Pendant la période appelée « au Désert » les fidèles sont visités tour à tour par certains pasteurs au nombre desquels je dois citer: Chapel, Gounon dit Pradon, Gamain dit Moisnier, originaire de la Barre de Sepvret, Tranchée, natif de Bagnault où il revint fixer sa résidence, et enfin les deux frères auxquels je consacre ci-après une courte notice. Les principaux prédicants qui assumèrent avec les pasteurs ci-dessus la lourde et périlleuse tâche de propager, jusque dans les recoins les plus éloignés, les principes calvinistes furent: Marie Robin dénommée la Robine, Potet, Tavert et Berthelot, le plus célèbre de tous.

Pour connaître le rôle joué par chacun de ces personnages, on pourra consulter avec beaucoup de profit l’histoire des protestants du Poitou du pasteur Lièvre, ouvrage dans lequel cet auteur retrace le récit des différents épisodes qui ont jalonné la vie de ces zélés propagateurs.

 Les frères Métayer (Pierre et Jacques)

 C’est à Bagnault que les deux frères Métayer virent le jour entre 1735 et 1740. Il ne m’a pas été possible de retrouver la date de naissance exacte de Pierre et de Jacques Métayer ni dans les papiers de famille, ni dans les registres paroissiaux qui ne mentionnent que les naissances d’enfants catholiques. Leur père, Paul Métayer, exerça la profession de marchand et, je crois, de tisserand; il habitait une maison non loin du logis de Champberland, à quelques mètres du four banal dit four à Russet, dépendant de ce logis. Cette maison existe encore de nos jours.

Le père Métayer avait la réputation « d’un huguenot acharné » et bien qu’ayant été l’objet de plusieurs poursuites, il restait inébranlable dans ses convictions; il savait souffrir sans défaillance. Elevés par un tel père, les deux frères Métayer s’éveiller en eux l’idée de sacrifice pour la cause du protestantisme, ils voulurent être pasteur.

En 1751, l’aîné, Pierre, occupait déjà, malgré son jeune âge, la place d’ancien dans l’église d’Exoudun, place qui n’était accordée, comme on le sait, qu’à ceux dont la conduite et le zèle étaient exempts de toute critique. Jacques, le pus jeune de quelques années, s’efforçait de marcher sur les traces de son aîné. A partir de 1760, ils suivirent dans leur périlleuse mission les pasteurs qui parcouraient la contrée, prirent parfois part aux prêches en qualité d’étudiants et s’initièrent peu à peu à une existence qui devait être la leur quelques années plus tard.

Ils résolurent, au cours de l’année 1768, de se rendre à Lausanne pour y faire leurs études théologiques et se faire recevoir pasteur. C’était un voyage périlleux à cette époque que celui qui consistait à traverser toute la France pour se rendre en Suisse. Ils eurent recours à un stratagème souvent usité en pareil cas; ils partirent de Bagnault le 20 mai avec chacun une jument et une somme de trente louis destinée en apparence à être mise dans le commerce des soieries. Tout alla bien jusqu’aux environs de Lons-le-Saunier. Arrivés là, ils furent arrêtés par la maréchaussée de la Franche-Comté comme n’ayant pas de passeports en règle et conduits dans les prisons de la ville. C’était le 3 juin. Ayant obtenu l’autorisation d’écrire à leur père, ils l’informèrent de leur triste sort et le prièrent de leur faire parvenir le plus tôt possible « des passeports duhement signés et légalisés par Mrs Drouhet, Palardy et Richard de Foucaud, » afin d’obtenir leur mise en liberté immédiate et la faculté de continuer leur voyage.

Le pauvre père prévoyant le sort qui était réservé à ses fils si l’on découvrait le but de leur voyage, mit tout en oeuvre pour leur faire recouvrer la liberté. Il se rendit au château de Salles près du marquis de Montausier(62) , le pria de vouloir bien agir auprès du duc de Choiseul et auprès du prévôt de la maréchaussée de Lons-le-Saunier pendant que d’autres personnages, également sollicités, intercédaient auprès de Voltaire et de l’intendant de Besançon. A force de démarches et de supplications, le duc de Choiseul, alors ministre de Louis XV, donna enfin l’ordre de relâcher les prisonniers.

En leur ouvrant les portes de la prison, le matin du 18 juillet, le prévôt leur dit qu’il était renseigné sur leurs intentions et sur le but de leur voyage, que leur soi-disant commerce de soieries n’était qu’un subterfuge qui ne serait pas toujours suffisant pour les tirer d’affaire. Il leur remit néanmoins à chacun un passeport valable pour vingt jours seulement avec injonction formelle de rejoindre immédiatement le village de Bagnault en Poitou par la voie la plus directe. Il ajouta « si vous ne suivez pas mes conseils, il ne pourra vous en survenir que bien des disgrâces, ayant reçu des lettres qui m’instruisent de quelque chose à votre égard. » Ces menaces, déguisées sous forme de conseils, furent inopérantes, les deux frères n’en continuèrent pas moins leur route vers la Suisse en évitant autant que possible les villes, les gros bourgs, en s’entourant en un mot de toutes les précautions dictées par la prudence. Ils arrivèrent enfin à Lausanne, le 2 août, après un voyage bien long et extrêmement pénible dont la durée avait été de soixante-quatorze jours. Leur arrivée dissipa l’inquiétude que l’on avait ressentie à leur sujet car, ainsi qu’ils le mentionnent dans la première lettre qu’ils écrivent à leur père pour lui annoncer l’heureuse issue de leur voyage, « on avait beaucoup craint qu’ils fussent livrés à la fureur de leurs cruels ennemis. » Ils chargeaient aussi leur père d’exprimer leur gratitude et leur reconnaissance à M. M. Chabot(63) , Richard et Sardin(64) pour les démarches qu’ils avaient faites en leur faveur. Leur lettre, datée de Lausanne le 3 août 1768 est signée des pseudonymes Labarre et Lafontaine.

Les frais d’étude et de pension des deux étudiants étaient trop élevés pour que le père Métayer put assumer une telle charge, aussi adressèrent-ils une demande de secours aux membres des synodes du Poitou. Ceux-ci leur firent parvenir la somme de 306 livres, laquelle fut versée « par ordre de Mme Guionnet de Saint-Maixent. »

Il leur fallut trois ans pour achever leurs études. Revenus en Poitou au bout de ce temps, ils furent admis au nombre des pasteurs de la paroisse et consacrés par un synode tenu le 5 juin 1771.

Pierre, l’aîné, fut pasteur à Vitré puis à Sainte-Néomaye. J’ai eu en ma possession un acte de baptême fait au désert à Sainte-Néomaye le 7 mars 1775 et signé Métayer.

Quant à Jacques, j’ignore où il dirigea ses pas et ce qu’il fit après 1771, je n’ai pu recueillir aucun renseignement à ce sujet.

Famille Saint-George

Cette famille, une des plus puissantes du haut Poitou, fut aussi l’une des premières à adopter les doctrines de Calvin. C’est entre 1534 et 1537 que les fils de Guichard de Saint-George, seigneur d’Exoudun, et d’Anne de Morthemer, furent gagnés aux idées nouvelles. On a vu dans les pages qui précèdent, la part importante que prirent aux événements de l’époque les représentants de cette famille, Ponthus et Guichard, abbés défroqués; Gabriel, seigneur de la Place Forte et André, seigneur de Boissec, leurs frères, et enfin, François Joachim et Philippe, fils de Gabriel et d’Anne d’Oyron.

Gabriel, seigneur d’Exoudun et de Couhé « huguenot enragé » au dire de certains historiens, avait en effet élevé, dès leur bas-âge, ses enfants dans les doctrines de l’Evangile. Il fut l’un des plus ardents propagateurs de la foi naissante dans le pays d’Exoudun. Il mourut vers 1571. J’ai déjà fait connaître la triste destinée de ses fils qui furent à peu près tous les victimes des guerres religieuses. Cependant, l’aîné, Joachim, devint baron de Couhé et seigneur de Vérac tandis que Philippe devenait seigneur du Plessis-Sénéchal et d’Exoudun en partie.

André, seigneur de Boissec, fut la tige de la branche cadette, dite branche de Boissec. Il avait épousé Paule de Puyguyon qui lui donna plusieurs enfants. Les trois aînés, trois fils, furent tués au cours des guerres de religion. Louis succéda à son frère comme seigneur de Boissec et fut lui aussi un fervent protecteur des réformés d’Exoudun. Son frère Isaac, fut seigneur de Boisaulin et de Sceaux; il épousait, le 31 mars 1592, Madeleine de Joubert et mourut assassiné trois ans après son mariage. Son fils, Philippe, seigneur du Plessis-Sénéchal et d’Exoudun, épousa, le 17 octobre 1628, Louise Gourjault, fille des seigneurs de Mauprier et de Venours. Son fils, Philippe, ayant essayé de sortir du royaume après la révocation, fut arrêté en Picardie, enfermé au château de Ham, puis condamné aux galères. Il n’obtint sa grâce qu’en abjurant. Revenu dans ses domaines, il trouva sa famille dispersée: sa femme détenue dans un couvent à Limoges; sa fille, qui avait abjuré, placée dans une maison catholique et son fils passé à l’étranger. Pour parvenir à sortir du couvent où elle était enfermée, Marie Gourjault, épouse de Philippe, simula la folie. On la renvoya, ce qui lui permit de rejoindre Paris puis Genève. Sa fille était réfugiée en Wesphalie. Philippe n’eut plus qu’un désir, les rejoindre; mais cette nouvelle tentative faillit lui être encore plus funeste que la première. Peu s’en fallut qu’il ne fut envoyé aux galères jusqu’à la fin de ses jours. Heureusement pour lui, des ordres furent donnés pour le relâcher et il put enfin se réfugier en Hollande avec sa femme et sa fille pendant que son fils, revenu en France, abjurait et dilapidait en peu de temps le patrimoine paternel.

Je reviens à Louis de Saint-George, seigneur de Boissec dont les deux filles, Marguerite et Louise épousèrent: la première, un jeune lieutenant d’artillerie, Bonaventure Forain, seigneur de Bonninière; le mari de Louise, issu d’une très ancienne famille venue du midi s’appelait Géraud ou Giraud d’Albin de Valzergues.

On n’a pas oublié le rôle joué par Marguerite de Saint-George, devenue dame Forain de La Bonninière, lors de la démolition du temple d’Exoudun. Devenue veuve avant 1662, époque à laquelle elle achetait un four banal en commun avec la châtelaine de la Place Forte, elle avait donné le jour à deux filles. L’aînée, Marguerite, épouse Théophile Bodin, seigneur de La Barre, et les deux époux se faisaient une donation mutuelle à Fontenay le 9 juillet 1648. De leur union, ne sortit qu’une fille, appelée aussi Marguerite, qui se maria avec Henri, marquis de Chiné, d’une grande famille protestante de l’Anjou. C’est cette dernière qui vint le 10 janvier 1667 protester auprès de l’intendant de son obéissance aux ordres du roi. La fille cadette de Marguerite de Saint-George, nommée Louise, épousa Pierre Vasselot, seigneur de Régné dont elle n’eut pas d’enfants. Ardente comme sa mère, et regardée comme la principale instigatrice de la rébellion des gens du pays d’Exoudun, elle fut enfermée à la Bastille où elle se trouvait encore le 11 avril 1669, jour où elle en sortit quelques instants pour être amenée « dans un lieu de liberté » et y pouvoir donner une procuration par-devant notaires. On la retrouve en 1678 retirée dans sa maison noble de Boissec; mais à la révocation elle passa à l’étranger et ses biens furent mis sous séquestre. (Archives de la Vienne C49) Elle se fit naturaliser Hollandaise à la Haye le 30 octobre 1710 avec ses deux filles, Hélène-Marguerite et Cécile-Henriette. Ses biens furent dévolus à la famille d’Albin de Valzergues le 29 septembre 1716.

Le rôle de la branche aînée de cette famille, la branche des seigneurs de Couhé, ladite branche issue de Gabriel, seigneur d’Exoudun et d’Anne d’Oyron, ne fut pas moindre jusqu’au jour où Olivier de Saint-George abjura le protestantisme. (7 avril 16...)

Comme on le voit, cette puissante et riche famille, qui avait dans toute la contrée des possessions immenses et une fortune considérable, put grâce à cela, exercer une énorme influence sur les populations voisines de ses domaines et on comprend que l’intendant du Poitou ait pu dire « que la famille de Saint-George a été le support de la R.P.R. en Poitou, car ses membres ont produit plus de 20.000 huguenots

On trouvera d’autres renseignements sur les de Saint-George dans l’Histoire des protestants du Poitou du pasteur Lièvre. (Tome III, pages 239-255)

Les Gillier et les d’Aitz

Les Gillier furent, avec les de Saint-George, des premiers qui se prononcèrent ouvertement pour la réformation. Pierre Gillier, seigneur de Salles, Joachim, seigneur de La Villedieu et Philippe Ratault, seigneur de Curzay, époux de Marie Gillier, soeur de Joachim, favorisèrent autant qu’ils le purent le développement des doctrines réformistes tant à La Mothe qu’à Exoudun et dans les environs. Joachim se trouvait à Saint-Maixent le 24 mai 1574 lorsqu’il fut blessé d’un coup d’arquebuse qui détermina sa mort le 10 juin suivant. Il était le fils aîné de Joachim, seigneur de la Villedieu.

La plupart des membres de cette famille persistèrent dans leurs convictions religieuses et quelques-uns d’entre eux furent au nombre des victimes du fanatisme et de l’intolérance qui animaient alors les partis.

Sans retracer l’histoire de cette famille qui se rattache à Exoudun que par la possession de la Seigneurie de Petousse, je dirai cependant que lors de la révocation, Antoine Gillier, seigneur de Miseré et de Petousse était décédé, laissant sa veuve, Elisabeth d’Aitz, et une fille également prénommée Elisabeth. Le journal de Jean Migault nous fait connaître l’état de ces deux pauvres femmes auxquelles on avait arraché une abjuration. Ayant été précepteur des enfants d’Antoine Gillier, Migault jouissait de l’entière confiance des deux femmes qui l’engagèrent à s’établir chez elles. Elles lui dirent « combien elles étaient pénétrées de douleur en pensant qu’elles avaient renié leur foi » lui firent part de l’intention qu’elles avaient de sortir de France et lui demandèrent de « les associer à tous les plans qu’il pourrait concerter pour sa propre évasion, offrant d’en facikiter l’exécution par tous les moyens pécuniaires qui seraient nécessaires(65) ». Des difficultés insurmontables s’opposèrent à cette émigration pendant plus de deux ans; puis lorsqu’une occasion favorable se présenta, elles eurent toutes sortes d’hésitations, de sorte qu’au lieu d’en profiter, elles recherchèrent le chemin le plus long et le moins sûr, elles voulurent passer par Paris. Pendant ce temps, Migault s’embarquait à La Rochelle avec ses enfants les plus jeunes pour aller rejoindre ses aînés réfugiés pour la plupart en Angleterre.

Les deux dames purent néanmoins gagner la frontière et passer en Hollande ainsi que l’atteste un certificat en date du 30 juin 1688.

 Les Fraigneau

 Voici une famille bourgeoise qui a été parmi les plus aisées et les plus en vue d’Exoudun pendant deux siècles au moins. Originaire de Niort et de Saint-Maixent, si l’on en croit M. Charles Sauzé, ses membres ont occupé à Exoudun les charges de notaires, de procureurs fiscaux, de chirurgiens, de praticiens, etc... Presque tous adoptèrent dès le début les doctrines calvinistes. Ils devinrent non seulement des adeptes, mais aussi des propagateurs et l’on peut dire des propagateurs ardents qui, à l’instar des seigneurs de l’époque, se constituèrent les protecteurs et les défenseurs des réformés. Ce zèle se manifesta jusqu’à la révocation de l’Edit de Nantes, mais à cette époque, la perspective de l’exil les effraya, ils abjurèrent.

Parmi ceux qui habitaient Exoudun et dont le nom figure au nombre des premiers réformés, je dois citer:

Legier Fraigneau, notaire royal qui épousa Jacquette Nicode (?) en août 1572 et mourut avant 1597. Il laissait trois fils qui tous furent élevés dans la religion réformée:

1° Isaac, maître chirurgien, époux de Marie Arouet dont il eut deux enfants: A/ Louis, dont je parle ci-après et B/ Catherine, mariée d’abord à Louis Lévesque, sieur de Fontmusset, ensuite à Jean Baugier, sieur de la Thibaudière.

2° Jean, notaire royal, marié à Marie Huet qui lui donna deux enfants: A. Paul, maître chirurgien et B. Jean.

3° Abraham, notaire à Exoudun.

Louis Fraigneau, sieur de l’Houmeau et de la Pérouard, épousa Jeanne Vatable qui le rendit père de six enfants dont Isaac, sieur de Boisloudun qui comparut le 26 octobre 1668 au synode de la province de Poitou tenu à Melle, il mourait à Exoudun le 5 septembre 1707, âgé de 64 ans. Son père avait été délégué avec son oncle Abraham, notaire royal, et Paul, maître chirurgien, le 5 décembre 1646, « pour pouvoir comparoir devant tous juges et commissaires quelconques et par spécial devant messieurs les présidiaux de Poictiers en la cause poursuivie par le Sr reverand evesque qui aurait conclu à ce que le temple ou ils font l’exercice de la dite religion prétendue refformée fust desmolly comme prétendant estre bâti en terre eclésiastique(66) ». Ils eurent gain de cause et la démolition du temple fut retardée.

Les autres enfants de Louis furent:

1° Suzanne qui épouse Jacques Fraigneau, sieur de Bourgogne, notaire à Exoudun, auquel elle donna trois filles et un fils; Isaac, sieur de la Pérouardière marié en premières noces à Catherine Chabot de Chateaugaillard le 17 juillet 1675, et en deuxièmes, le 22 septembre 1695, à Marie Palate. Il eut une fille, Marie, du premier lit et deux fils du second: André et François.

2° Louis, sieur de L’Houmeau, qui abjura le 15 juillet 1682, épousa, le 21 septembre de la même année, Marie Lévesque dont il eut un fils et deux filles; Renée, mariée à Daniel Sauzé, sieur de L’Houmeau, persécuté par les dragons en 1681 et qui meurt le 12 juin 1699 âgé de 42 ans.

Je citerai encore Abraham Fraigneau, marié le 27 novembre 1685 à Marie Lévesque cousine de la précédente; il eut deux fils, Jacques mort en bas âge et Pierre-Olivier, notaire royal.

Plusieurs descendants de ceux dont je viens de parler s’établirent à Exoudun, à Bagnault, à La Mothe ou dans les environs, mais ainsi que je l’ai dit plus haut, tous étaient revenus à la religion catholique au moment des dragonnades ou de la révocation.

 Les Sauzé

 Comme les Fraigneau, les Sauzé comptèrent parmi les premiers réformés d’Exoudun. C’était des négociants minotiers pour la plupart faisant le commerce des farines avec les ports du littoral.

L’un d’eux, Jehan Sauzé naquit vers 1537. Il épousa Rachel Joyeux, soeur de Daniel Joyeux, notaire royal, demeurant à Chenay et éleva tous ses enfants, au nombre de cinq, suivant les principes de la religion réformée.

Daniel, l’aîné dont je parle ci-dessous continua la descendance paternelle directe.

Paul, qui épousa Michelle Gaignard d’Exoudun, eut pour fils Paul, lequel figure dans la liste des persécutés pendant la triste année 1681. Il mourut « bon converti » le 21 juillet 1685, trois mois environ avant la révocation.

Les filles contractèrent mariage en dehors de la localité.

Daniel vit le jour vers 1580 et épousa, par contrat du 12 octobre 1608, Jehane Gaignard de laquelle il eut huit enfants qui tous furent baptisés protestants. Il mourait vers 1630 âgé seulement de cinquante ans.

L’un de ses petits-fils, Pierre, époux de Françoise Bourdon, puis de Jeanne Ferruyau, est indiqué « comme sorti du royaume pour fait de religion », ayant préféré à une abjuration les rigueurs et les amertumes de l’exil. Le 3 mai 1682, il donna, pour gérer ses biens, procuration à son beau-frère qui lui fit parvenir ses revenus en 1684. Il figure du reste dans la liste des protestants exilés de France dressée en cette même année par ordre du roi d’Angleterre. (Agnex: Protestant exiles from France/chiefly in the reign of Louis XIV or the Huguenot refugees and their descendants in Great Britain and Irland). S’étant fait naturaliser Anglais, on ne reçut, à partir de ce moment, aucune nouvelle de lui.

Quant à Jehan, fils aîné de Daniel, il naquit en 1610 et épousa vers 1635 Louise Ursault, soeur de Gilles Ursault, sieur de la Rivière. Par suite de son union avec Jehanne Gaignard, veuve de Daniel Sauzé et mère de Jehan, ledit Ursault était devenu le beau-père de sa soeur qui décéda à Exoudun le 8 juillet 1686, âgée de 75 ans, après avoir reçu le même jour « l’absolution de l’hérésie de Luther et Calvin ». Jehan Sauzé, dont le nom se trouve dans la liste des protestants du haut Poitou persécutés en 1681, mourut six jours après sa femme à l’âge de 76 ans.

Il laissait trois fils, tous les trois protestants convaincus et zélés, qui eurent cruellement à souffrir.

Daniel, l’aîné, avait épousé par contrat du 18 juillet 1658, Marie d’Appelvoisin. Il abjura le protestantisme à Saint-Maixent le 19 décembre 1681 après avoir enduré, comme la plupart de ses parents, d’épouvantables tortures. Son fils, sieur de Grandchamp, abjurait également le calvinisme le 22 juillet 1691 et mourait à Exoudun le 21 avril 1710.

Gilles, frère puîné de Daniel, était né à Exoudun le 23 septembre 1646. Il fut aussi parmi les persécutés en 1681.

Et enfin Jean, sieur de Saint-André, marié à Jeanne Pareau, figure, comme son père et ses frères, sur la liste des persécutés en 1681. En 1713, il fut enfermé pour cause de religion, dans le château de Saumur, prison d’Etat.

Les descendants de ces infortunés revinrent tous au catholicisme et l’un des derniers représentants de cette famille est actuellement M. Charles Sauzé de l’Houmeau, magistrat.

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(1) Ponthus de Saint-George avait été nommé abbé commendataire de Valence en 1526. Il devint dans la suite l’un des promoteurs les plus ardents de la Réforme. On affirme même, qu’ayant eu connaissance du passage de Calvin dans le voisinage de Valence, il l’invita à prêcher dans l’abbaye même. Il fut, parait-il, le premier abbé de France qui s’engagea dans la révolution religieuse. Au dire de Théodore de Bèze, dans son histoire ecclésiastique (tome 1. page 63), Ponthus était « un homme libéral et magnifique, amateur de lettres et de gens lettrés » aussi avait-il suivi avec le plus vif intérêt le génial mouvement qui s’était produit dans les lettres et les arts sous le nom de Renaissance. Comme la Réforme, ce deuxième grand mouvement de la conscience et de l’esprit humain, procédait en partie du premier, il l’adopta également.

Cependant, il était de ceux qui auraient voulu réformer les abus de l’église sans la diviser. C’est du reste l’idée qu’il fit prévaloir dans un synode tenu à Poitiers en 1559, malheureusement ce point de vue qui, dans l’esprit de son auteur, était susceptible de concilier les parties adverses n’eut pas plus de succès que les tentatives antérieures restées infructueuses. Rebuté par cet insuccès, il rompit alors ouvertement avec son état, abandonna le froc, licencia ses moines auxquels il donna des professions en rapport evec leurs aptitudes et épousa, à un âge assez avancé, la supérieure du couvent de Bonneuil qui avait aussi adopté la Réforme.

Il était à Poitiers du 27 au 30 mai 1562 et assista au pillage des églises et des monastères; il ne put empêcher l’incendie de la riche bibliothèque de l’abbaye de Saint-Hilaire. Dépossédé de son bénéfice dont son successeur, Loys de Nuchèze, seigneur de Bapteresse, avait été pourvu le 30 mars 1569, en butte à toutes sortes de poursuites et de tracasseries, il se réfugia à La Rochelle après la Saint-Barthélémy et y mourut en 1573. Sa mémoire est restée fort chargée, mais il ne faut pas oublier que le clergé, alors tout puissant et jaloux d’une défection aussi marquante, a pu lui attribuer bien des faits auxquels il était étranger.

(2) Les deux abbayes de Bonnevaux et Valence se trouvaient dans la Vienne.

(3) Lettre du maire de Poitiers du 26 août 1548. Archives hist. du Poitou. (Tome IV. Page 395)

(4) Crespin. Livre des martyrs. 1554.

(5) Dans un rapport adressé au roi sur l’état du Poitou en 1664, Colbert de Croissy, en parlant de cette famille "qu’elle a toujours été le support de la religion réformée en Poitou et que ses membres ont produit plus de 20.000 huguenots" Ch. Duzast-Matifeux. Etat du Poitou sous Louis XIV. Page 228.

(6) La Fontenelle de Vaudoré. Journal des Le Riche. page 49.

(7) Lettres de François I° aux parlements (2 mai 1542).

(8) Filleau. Décisions catholiques. page 22.

(9) A.F. Lièvre. Histoire des Protestants du Poitou. Tome I°. Page 62.

(10) Filleau. Décisions catholiques. page 23. Recueil formant un gros volume in-4 qui se trouve à la bibliothèque publique de Poitiers.

(11) A Lévrier. Histoire du département des Deux-Sèvres.

(12) Florimond de Rémond. Histoire de la naissance de l’hérésie. page 864.

(13) A.F. Lièvre. Histoire des protestants du Poitou. tome III. page 239.

(14) Lanoue. Discours politiques et militaires. page 648.

(15) Journal historique de Généroux. Mémoires de la Société de Statistique. 2° série. tome II. page 44.

(16) Louise Gillier était fille de René Gillier, écuyer, seigneur de Salles et de Louise de Choisy.

(17) Journal de Michel le Riche, page 112.

(18) La lecture des anciennes minutes des notaires de La Mothe et de Pamproux est des plus édifiantes et permet de se faire une idée de la misère de l’époque.

(19) Journal de Michel le Riche, page 152.

(20) Journal de Michel le Riche, page 115.

(21) Journal de Michel le Riche, page 117.

(22) Journal de Michel le Riche, page 121.

(23) Journal de Michel le Riche.

(24) « Le mardi 25 mars (1578) André de Saint-George, chevalier, seigneur de Boissec et de la Grande-Métairie, frère de M. de Vérac, décéda en sa maison d’Exoudun et a laissé sa veuve et des enfants. Ses trois aînés avoient esté tués à la guerre, soutenant le parti de la religion prétendue réformée. » Michel le Riche.

(25) Journal de Michel le Riche, page 378.

(26) Arrêts de la Cour des Grands-Jours de Poitiers insérés dans les Décisions Catholiques de Filleau; page 26 et 163. (Bibliothèque publique de Poitiers)

 (27) Voici en quels termes la relation écrite de la prise du château d’Exoudun est consigné dans le journal de Michel le Riche; page 452: « Ledit jour de vendredi 23 (mai 1586), le château de’Exoudun fut repris par les troupes du roi de Navarrre et du prince de Condé, par sapement en un huis de cave. Et, fut de leurs gens trois ou quatre tués, dont l’un estoit l’un des grands écuyers du roi de Navarre, par les soldats qui estoient dedans, lesquels se rendirent à discrétion au roi de Navrre qui les fit enfermer dans un grenier et en retint quelques-uns de bonne volonté à son service. Et les autres furent envoyés avec le baston, dépouillés de leurs armes, et y eut un d’eux qui fut blessé. »

(28) Voire les mémoires du comte de Cheverny (collection Petitot), et le « Discours de la deffaicte qu’a fait M. le duc de Joyeuse et le sieur de Laverdin contre les ennemys du roy et perturbateurs du repos public à La Mothe Sainct Eloy, près Sainct Maixent en Poitou le vingt uniesme jour de juin 1587.(Paris suyvent la coppie imprimé à Poictier) »

(29) Lire dans le recueil des Archives historiques du Poitou; tome XX; pages 381 et suivantes, l’Extrait des remontrances du Tiers-Etat de la ville et ressort de Saint-Maixent.

Les minutes des anciens notaires de La Mothe et de Pamproux nous font connaître nombre de faits navrants qui ne peuvent être rapportés ici.

(30) Auder, notaire à Pamproux. Acte d’assemblée de communauté des habitants de la paroisse d’Exoudun. (de ma collection)

(31) Gaspard Coignet de la Thuillerye qui avait été nommé intendant à la justice, police, finances et marine de Poitou, Saintonge, Aulnis, vile et gouvernement de La Rochelle.

(32) Minutes de Guillon, notaire à La Mothe (Etude Giraudias).

(33) Bibliothèque de Poitiers. Filleau. Decisions catholiques; page 163.

(34) Acte d’assemblée des habitants de Loubigné du 19 décembre 1634. (Ma collection)

(35) Audeer et Birault, notaires à Pamproux (document de ma collection).

(36) Thibaudeau. Histoire du Poitou; tome VI; page 208.

(37) Thibaudeau. Histoire du Poitou; tome VI; page 209.

(38) Poésies de Jean Babu, curé de Soudan, sur la démolition du temple d’Exoudun.

(39) Archives du département de la Vienne.

(40) C’est ainsi qu’un nommé Rousseau, meunier, déclare juin 1721 qu’en échange de son acte de conversion à la religion catholique, apostolique et romaine, il entend jouir du privilège et bénéfice accordé par Sa Majesté aux nouveaux convertis, par son arrest du 18 novembre 1680, par lequel Sa Majesté proroge le payement de leurs dettes pendant le cours de trois années à commencer du jour de leur conversion.

(Minutes de J. Palate, notaire à La Mothe-Saint-Héray17 avril 1682).

En outre, sur les rôles des tailles de la paroisse, figurent, pour différentes années de cette époque, des sommes variables destinées à être distribuées, est-il dit, « en gratifications et remises accordées aux nouveaux convertis.». il suffit pour s’en rendre compte de compulser avec soin les actes d’assemblées de communauté des habitants de la paroisse au cours de cette période.

(41) Voir la notice que je consacre à chaque personne citée dans mon histoire de l’église réformée et des protestants d’Exoudun, pages ... à ...

(42) Louis Bourgueil, sieur de la Revêtison, était fils de Philippe Bourgueil, chirurgien à Exoudun, et de Marie Marchesseau. Le 20 février 1683, il contracta mariage avec Henriette Chabot de laquelle il eut plusieurs enfants. En 1686, il exerçait comme son père les fonctions de maître chirurgien en même temps que celle de régent et de sacristain. Il fut aussi procureur syndic de la paroisse pendant les année 1693 et 1694 et mourut le 1721.

Trois de ses fils exercèrent successivement les fonctions de sacristins, mais aucun d’eux ne fut régent..Ce n’est que bien plus tard, en 1772, qu’il m’a été donné de trouver un autre membre de cette famille, Jean Bourgueil, maître d’école à Exoudun.

(43) Mémoires de Foucault, intendant du Poitou (année 1685).

 (44) Il s’agit ici de Pierre de la Badonnière, sieur de la Chaulme, mre holte à Bagnault, procureur et syndic en 1695 et 1696. Il meurt le 30 juin 1715.

(45) Archives du département de la Vienne. Ancienne Intendance C.52.

(46) D’après l’intéressant mémoire statistique de Samuel Lévesque, publié dans les Mémoires de la Société de Statistique des Deux-Sèvres, le nombre des nouveaux convertis de l’élection de Saint-Maixent dont dépendait Exoudun, était de 17.593 dont 3.411 seulement faisaient leur devoir, les autres étaient revenus à la Réforme.

(47) D’après certains renseignements, le monument de la Trairie se trouverait située près de la mare de Petousse.

(48) Depping. Correspondance administrative sous Louis XIV. Tome IV, page 470.

(49) Archives du département de la Vienne. Carton n°52.

(50) C’étaient: Pierre Bonneau, Jean Mouchet, Jean Petit et Jean Fournier.

(51) Archives communales d’Exoudun (Régistre paroissiaux).

(52) Berthelot était né à la Villedieu des Couts, paroisse de La Mothe-Saint-Héraymais il avait fixé sa résidence à Fontbedoire (Sepvret). Il fut le plus célèbre prédicant des assemblées au Désert. « C’est celui qui a fait le plus de bruit, -dit dans ses mémoires le pasteur Migault-, quoiqu’il n’eût pas le plus de lumières. Il était païsan: il aprennait des sermons par coeur qu’il récitait ensuite avec beaucoup de grâce. » (Bulletin de l’histoire du protestantisme français en 1894, pages 135 à 143).

D’après un document émanant du curé de Chenay (ma collection) Berthelot était « serviteur domestique chez M. de Paroudeau (Moïse Guitteau, sieur de Paroudeau, qui habitait Loubigné) lorsqu’il s’érigea en prédicant ». Poursuivi par la maréchaussée, il s’était réfugié chez un voisin, Biget-Delavault, qui favorisa sa fuite mais fut ensuite arrêté et conduit dans les prisons de Niort.

Après avoir, pendant plusieurs années, parcouru le pays en tous sens pour ranimer la foi de ceux que la crainte des persécutions pouvait influencer, après avoir, par miracle, échappé aux poursuites incessantes dont il était l’objet, Berthelot du renoncer à continuer l’exercice de son périlleux apostolat. Il se retira en Angleterre où il mourut.

 (53) Chapel était originaire de Nages en Languedoc et avait pris une part importante au mouvement réformiste dans les Cévennes où eurent lieu ses débuts comme pasteur. Venu en Poitou en 1722, il n’y fit qu’une courte apparition. Il y revint à nouveau au mois de juillet 1728 et y demeura jusque dans les premiers mois de l’année 1731(Archives nationales O1376, 377).

(54) Document de ma collection.

(55) J’ai en ma possession de nombreux actes de déclaration de décès allant de 1734 à 1780 concernant des personnes d’Exoudun, Bagnault, Petousse, etc...

(56) Rapport de Berryer (8 août 1744).

(57) A.F. Lièvre. « Histoire des protestants du Poitou ». tome II, page 309.

(58) A. Lièvre. « Histoire du département des Deux-Sèvres » page 94.

(59) En 1853, M. Maillard, alors pasteur à Pamproux, déclare au sujet des méreaux « que ces médailles de communion sont encore en usage dans nos églises du Poitou.......... Leur emploi commence à tomber en désuétude depuis l’augmentation du nombre des pasteurs. Les fidèles qui se présentent à la table sainte ne sont plus des inconnus pour le pasteur; celui-ci peut les désigner presque tous par leur nom. » (Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français).

(60) C’est sur ces mêmes coteaux que l’on avait fixé l’emplacement du cimetière de ceux de la R.P.R., deux siècles auparavant en 1634.

(61) Alfred Richard. Poésies de Jean Babu, curé de Soudan sur la ruine des temples protestants de Champdenier, Exoudun et La Mothe-Saint-Héray. Traduction en français du passage se rapportant au pillage de la maison p.93-94.

(62) Le marquis de Montausier dont il est ici question, était le fils de François-Charles de Crussol, gouverneur de l’île d’Oléron. Il avait épousé, en 1737, une fille du marquis d’Aubusson, Marie Elisabeth dont il eut cinq enfants. Lui-même, dénommé Louis-François-Charles de Crussol, était marquis de Montausier, seigneur de Salles, Fressines, etc...

(63) Charles-Philippe Chabot, sieur de la Pigeonnerie, habitait le château de Champberland, actuellement logis de Bagnault, près de la maison du père Métayer qu’il protégea de son mieux. Il avait épousé sa cousine, Marie Chabot qui le rendit père de trois enfants.

(64) Louis-Charles Sardin était notaire à Exoudun au moment où il fut sollicité par la famille Métayer. Il avait épousé Marie Chabot, fille de Charles-Philippe mentionné ci-dessus. Il devint procureur fiscal à la Mothe, puis membre du premier Conseil général des Deux-Sèvres, fut nommé juge de paix à La Mothe et mourut en 1798.

(65) Journal de Jean Migault. (V° édition. P. 94)

(66) Auder, notaire à Pamproux. Procuration donnée par les anciens et chefs de famille d’Exoudun. 5 décembre 1646. (ma collection)


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