Généalogie
Lors de mes recherches à Amiens où mon ancêtre Pantaléon LECONTE était imprimeur, j’ai trouvé chez les parents de sa femme, Marie-Adélaïde CARON, 3 personnes dont la profession était "Ouvrier Sayteur": son père (Pierre CARON) et ses deux grand-pères (Pierre CARON et Jean-Baptiste CARPENTIER).
La Saieterie est un ensemble composite d’étoffes légères, rases et sèches, en laine peignée, avec l’addition autorisée d’un seul fil de soie à chaque fil de cette laine: le "fil de Sayette". Les Saieteurs (sayteurs ou saietteurs) étaient des tisserands travaillant sur des métiers ou "estilles" en bois de chêne qui étaient souvent la propriété de l’artisan, sinon son bien le plus précieux. L’industrie de la Saieterie est le plus beau privilège dont Louis XI ait gratifié sa bonne ville d’Amiens. Après deux révolte consécutives dans la ville d’Arras en 1478 et 1479, les saieteurs de cette ville furent expulsés le 2 juin 1480. Ce fut l'exode forcée de tout un peuple qui chercha à se fixer à Amiens où marchands et gens de métier avaient la chance de retrouver des conditions d’existence et de succès assez semblables à celles dont ils étaient frustrées; surtout les saieteurs dont l’industrie était, depuis longtemps, la plus florissante d’Arras.
Le 17 avril 1481, 47 marchands, ouvriers et ouvrières dudit métier présentent à l'hôtel de ville d’Amiens une demande d’institution officielle et de statuts. L’Echevinage leur donna satisfaction le 4 juin et homologue les statuts en 36 articles qui inaugurent dans l’industrie du travail à Amiens une nouvelle et brillante période. Parmi ces statuts nous retrouvons certaines particularités, dont les conditions d’apprentissage, qui frappent par leur rigueur, leur précision et leur modernisme.
= Un maître saieteur ne pourra avoir qu’un seul apprenti qui fera 3 ans avec lui, sans changer de maître. La taxe d’inscription à payer est nulle pour ses enfants et par la suite pour les orphelins de la nation.
= Pour avoir un apprenti, le maître saieteur devra être en possession d’au moins 2 estilles.
= Le maître ne devra faire travailler son apprenti que pour son compte exclusivement.
= Pour devenir maître saiteur, il faut, après avoir fait un apprentissage d’au moins 3 ans chez un même maître, sauf en cas de décès de celui-ci, déposer un chef d’oeuvre qui sera exposer à la Halle.
= Les saieteurs ont l’obligation de déposer une marque personnelle.
= Il y a interdiction de s’éclairer à la bougie ou à la chandelle pour éviter le travail de nuit.
= Pour faciliter les contrôles, ils ont l’obligation d’avoir leurs ouvroirs sur rue (rez-de-chaussée, 1° et 2° étage uniquement).
= Seuls les maîtres saieteurs, domiciliés à Amiens, avaient le droit d’acheter du fil de saiette en certain lieu et jours dans ladite ville.
= Ils avaient également l’obligation de vendre certains jours et à certains lieux.
= La vente et l’exportation des saies non teintés, appointés, scellés et marqués était prohibés.
= Toute soie, pour être régulée "bonne, juste et léalle.....tant à façon qu’en couleurs", doit porter 2 sceaux; le petit, apposé par les "eswards" ou gardes au domicile du saieteur, et le plus grand, apposé publiquement aux Halles dont sont exclues celles gravement endommagées "taches, trous ou routures à travers".
Certains artisans n’étaient pas propriétaires et travaillaient pour des maîtres soit chez eux, soit dans des sortes d’ateliers pouvant compter jusqu’à 10 métiers. Bien souvent c’étaient les marchands qui fournissaient le matériel pour les différentes opérations et dominaient ainsi le monde de l’industrie. L’inégalité des fortunes était grande: 2/3 de la population possédait à peine 5% des richesses. Dans les quartiers Saint-Leu, Saint-Sulpice et Saint-Jacques d’Amiens les artisans et petites gens vivaient au jour le jour et payaient un lourd tribut lors des crises économiques, des disettes ou des épidémies et la peste revenait en moyenne une fois par décennie.
L’essor de la saieterie à Amiens fut aussi rapide que remarquable, attesté par le développement considérable de la main-d’oeuvre et de la fabrication et aussi par la très grande place des ordonnances et des nouveaux statuts. La qualité des produits amiénois était reconnue aussi bien en France qu’à l’étranger. En 1576 il y a dans Amiens 5 à 6.000 saieteurs. L’échevinage assurait un contrôle strict de la qualité des produits. Des eswards, élus à l’origine et devenus par la suite officiers municipaux (achetant une charge) entraient souvent en conflit avec les fabricants: procès, émeutes jalonnent cette période mais, finalement, l’échevinage, dominé par les gros marchands d’étoffes, finissaient par imposer sa loi. Ce contrôle avait évidemment un revers important, l’immobilisme; il empêchait toute innovation. Le temps d’obtenir les autorisations de fabrication d’un nouveau tissus en fonction de la mode, cette mode était passée et la fabrication étrangère, surtout anglaise, avait pris la place.
Sous Colbert, la qualité des étoffes est surveillée par le gouvernement royal mais le volume important de la production peut rendre le contrôle aléatoire malgré la vigilance des esgards et de l’inspecteur des Manufacture mis en place en 1670. Le siècle de Louis XIV, le siècle des lumières, permit à Amiens de connaître une période plus heureuse, d’autant que le risque d’invasion s’éloigne. Le textile se défend bien, la ville s’embellit, les beaux esprits se manifestent, mais la peste reste menaçante et la misère refuse de desserrer son étreinte. Ces calamités n’empêchent pas une bonne reprise de l’activité textile, à partir de 1680, liée à l’ouverture de nouveaux marchés, d’abord dans l’empire espagnol, puis dans le monde entier après 1730 quand l'expansion économique se généralise. La preuve en est donnée par le nombre des métiers battants: 2.000 sous Colbert, 5.500 vers 1765 (il y aura une baisse sensible juste avant la révolution).
La matière première, la laine, vient pour les trois-quarts de Picardie, malgré sa qualité médiocre. Au tissage elle est mélangée avec d’autres fibres, comme au XVI° siècle, et il arrive que saieteurs et hautelisseurs dépassent les 100.000 pièces par an. Certains d’entre eux réussissent même à faire battre plusieurs métiers dans leur ouvroir et cette tendance ira en grandissant (en 1772, 65% des fabricants ont plus de 6 métiers et font travailler à façon quelques 500 saieteurs qui sont tombés dans leur dépendance).
Dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, la conjoncture devient plus difficile, la concurrence étrangère, surtout anglaise, est plus âpre; les goûts de la clientèle, évoluent et les physiocrates dénoncent les règlements et le régime des corporations comme autant d’obstacles au progrès. Mais c’est l’arrêt du Conseil Royal du 7 septembre 1762 qui atteint le plus la manufacture amiénoise en permettant aux ruraux de produire les mêmes étoffes que dans les villes, or ils produisent moins cher grâce à une main-d’oeuvre moins rémunérée. Cet arrêt déclenche des réactions violentes et des troubles sociaux, mais finalement, en 1785, plus de 2.000 métiers sont installés hors de la ville.
Dictionnaire Larousse:
= Saie: Sous l’antiquité romaine, vêtement de guerre des Romains, des Perses et des Gaulois. Manteau d’étoffe grossière.
= Bas de Saie: Partie inférieure de la saie. Vêtement que portaient, sur le théâtre de Rome, les personnages d’un rang très élevé.
= Saya: Etoffe de soie que l’on fabrique en Chine.
= Saye: (autre forme de saie) Etoffe de laine, sorte de serge légère , en usage du XVI° au XVIII° siècle, que l’on fabriquait principalement en Flandre.
= Sayette: Espèce de petite saye ou serge de laine, avec léger mélange de soie, qui se fabriquait aux XVII° et XVIII° siècle, en Picardie et en Flandre.
= Fil de Sayette: Fil de laine peignée et filée qui servait à faire des tissus et toutes sortes de travaux de mercerie.
= Sayetterie: Fabrication des étoffes appelées sayes et sayettes. Fabrication des étoffes de laine pure ou mélangée d’un peu de soie ou de poil. Corporation des ouvriers attachés à ces fabrications. Nom donné parfois à toute espèce d’étoffe de laine.
= Sayetteur (euse): Ouvrier, ouvrière qui travaille à la fabrication des étoffes de laine. Nom donné anciennement aux ouvriers qui travaillaient exclusivement en étoffes de sayetterie.
= Sérès: nom donné par les anciens romains aux peuplades qui bordaient à l’orient la Scythie au delà du mont Imaüs et identifié avec les chinois. C’était un peuple ami de la paix, attaché à la justice. Capitale Sera. Ce qui a rendu célèbres les Sères en Occident, c’est la soie, serica, et les étoffes qu’ils en fabriquaient et qui pénétrèrent en Europe après les conquêtes d’Alexandre.
= Serge: (du latin serica, étoffe des Sères) Tissu léger de laine dérivant du sergé proprement dit, dont il diffère en ce que la duite ne se lie pas uniquement avec un seul fil, mais en englobe quelques fils. Etoffe de soie travaillée comme la serge.
= Sergé, ée: Se dit d’une étoffe dont le tissu ressemble à celui de la serge. Tissu croisé et uni, formant des sillons obliques séparés par un fil. (Sur l’une des faces, les sillons se dirigent dans un sens, par effet de chaîne; sur l’autre, en sens inverse, par effet de trame.)
= Serger ou Sergier: Artisan qui fabriquait ou marchand qui vendait des serges.
= Sergerie: Manufacture où l’on fabrique le sergé ou la serge. Magasin où l’on vendait ces étoffes. Art de fabriquer le sergé ou la serge. Ouvrage de serger. Corporation des maîtres sergers.
= Sergette: Etoffe de laine étroite, mince et légère, et dont l’usage était autrefois très répandu. Sorte de droguet croisé et drapé qui se fabriquait anciennement dans plusieurs localités du Poitou. Petite tunique de laine que les bénédictins portaient au lieu de chemise.
= Soie: La matière filamenteuse connue sous le nom de soie est sécrétée par la larve ou chenille d’un insecte, le bombyx du mûrier. Le ver à soie, lors de sa métamorphose en chrysalide, puis en papillon, se file une enveloppe que l’on nomme cocon. La soie artificielle s’obtient au moyen du collodion. Cette matière est pressée mécaniquement contre une sorte de filière dont les trous sont constitués par des tubes capillaires. Cette soie artificielle diversement colorée par la teinture subit toutes les préparations de la soie véritable.
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