Généalogie / Descendance RICHARD

 

Industrie de la Meunerie et ses dérivés

(Farines et Minots. Fouasses. Pain. etc...)

 

Etroitement liée à l’agriculture dont elle transformait les produits et les rendait propres à la consommation, l’industrie de la meunerie et de ses dérivés acquit un développement considérable à Exoudun aux siècles passés. Elle occupait un nombre élevé d’ouvriers dont les dénominations de minotiers, fariniers, chasserons, meulangiers, boulangers, fourniers, fouassiers, indiquent suffisamment le genre de travail auxquels ils se livraient.

Dans une étude sur l’Election de Niort au XVIII° siècle, publiée par L. Desaivre dans les mémoires de la Société de Statistique, Sciences, Lettres et Arts des Deux-Sèvres (3° série, tome III, page 243), on peut lire ce qui suit: « La rivière de Sèvre prend sa source au village de Sevret (Fontbedoire); elle n’est d’abord qu’un ruisseau peu considérable, à deux lieues de là elle se perd en terre pour paroître à demye lieue plus loing (Exoudun-Bagnault) avec un plus gros volume d’eau. C’est alors qu’elle fait tourner ces fameux moulins qui convertissent en farine les plus excellents bleds du Poitou. Ces farines bien passées sont ce qu’on appelle minots, qui s’embarquent sur les vaisseaux du roy pour la nourriture des équipages et la subsistance des isles d’Amérique. » Les moulins à vent n’ont pu trouver place dans cette région où la force sagement réglée du cours de la Sèvre suffit à actionner les nombreux moulins à eau échelonnés dans la partie supérieure de son cours.

D’après le remarquable travail de M. Boissonnade sur l’organisation du travail en Poitou, le nombre de ces moulins atteignait même 120, répartis dans un espace relativement restreint. Ils se trouvaient disséminés sur le cours de la Sèvre, en amont de la Villedieu de Comblé et sur la forte rivière de Pamproux, sa tributaire. Plusieurs d’entre eux ont une existence millénaire dont la preuve nous est fournie par les chartes de nos vieilles abbayes poitevines.

Leur installation comprenait une chaussée pour capter en partie le cours d’eau; une roue motrice, telle qu’on la voit encore de nos jours en certains endroits, laquelle, en actionnant un arbre de transmission, mettait en mouvement une, deux et parfois trois paires de meules, selon l’importance de la clientèle à satisfaire. Telle fut l’organisation jusqu’au dix-huitième siècle, époque où « le moulin en fil d’archal pour nettoyer les blés » commence à apparaître.

Les meules destinées à écraser le grain constituaient la partie principale, car c’est à elle qu’incombait la partie la plus délicate. De leur travail, dépendait, en farine, le rendement et la qualité. Construites avec une pierre spéciale, dite pierre meulière, de nature siliceuse, que l’on trouvait surtout dans les paroisses de Caunay et de Souvigné, elles étaient façonnées par des spécialistes appelés « meulangiers ». Une famille Monganneau a exercé pendant fort longtemps cette profession à Exoudun. L’un deux, Pierre, devint même procureur de la commune pendant la révolution.

Les frais d’établissement, l’entretien des chaussées étaient, comme de nos jours, à la charge du propriétaire, mais les réparations du matériel incombait à l’exploitant. J’estime inutile de dire que tous les moulins de la paroisse se trouvaient aux mains des seigneurs laïques ou ecclésiastiques qui les affermaient généralement à prix certain, soit en nature, soit en argent, et quelquefois, mais plus rarement, « à moitié fruits et profits dans la mouture. »

Le meunier avait comme personnel indispensable: « un farinier » chargé « de faire aller le moulin » et de surveiller spécialement le travail des meules en veillant avec soin à leur approvisionnement régulier. En raison de l’importance de sa mission, il recevait comme salaire annuel de 90 à 120 livres. Venaient ensuite un ou plusieurs « chasserons », dont le nom subsiste toujours, pour aller « chercher les bleds, rendre les farines, avoir soin des mulets et autres besognes ». Ces manoeuvres dont le travail n’exigeait aucune connaissance spéciale recevaient un salaire moindre; il leur était alloué par an de 40 à 70 livres. Quant aux mulets confiés à leurs soins, ils étaient en nombre proportionné à sa clientèle et à la distance des transports à effectuer.

Un moulin de la région avait comme équipage en 1753, huit mulets, savoir:

1° Grelet, âgé de 7 ans, valant 150 livres;

2° Pierrot, 3 ans, estimé 150 livres;

3° Grand Bouchard, 3 ans, aveugle, 60 livres;

4° Mordaux, 4 ans, 250 livres;

5° Bourloton, 3 ans, « qui a des formes », 80 livres;

6° Ursault, 2 ans, 140 livres;

7° Segné, 1 an, 60 livres;

8° Jacques, 4 ans, 120 livres; ce qui représentait un capital de 1010 livres.

L’exercice de la profession de meunier fut plusieurs fois réglementé par la Coutume du Poitou; d’abord, en 1485, puis en 1559 et enfin par les intendants de la province. La crainte de la fraude faisait multiplier les précautions. De plus en vertu de l’édit de janvier 1704 portant création des Offices de Contrôleurs-Visiteurs des poids et mesures et en vertu du tarif adopté le 15 du même mois qui réglait les redevances des marchands, artisans et autres se servant de poids et mesures, les redevances à acquitter par les meuniers s’établissaient ainsi qu’il suit:

Par les meuniers dont les baux sont de 1000 livres et au dessus, 8 livres.

Par les meuniers dont les baux sont en dessous de 1000 l., jusqu’à 600, 6 livres.

—————————d————————— 600 l. — d — 300, 4 llivres.

—————————d —————————300 l.————— 2 livres.

« Desquelles redevances il leur sera tenu compte par les propriétaires desdits moulins sur le prix de leurs baux. »

Tous les moulins de ce pays (Exoudun, La Mothe, Pamproux), est-il dit dans la statistique de 1716, sont outillés pour la grande meunerie et grâce à cet outillage, ils produisaient un travail énorme.

Le rendement du blé en farine, par suite de la mouture, était fixé par des règlements que le meunier ne pouvait enfreindre sans s’exposer à des peines assez graves. A sa clientèle locale, il était tenu de remettre par chaque boisseau de blé « net et écuré » qu’on lui apportait, un boisseau comble de farine. Comme rétribution, il prélevait la seizième partie de la mouture ou bien la somme de 10 sols par charge de blé moulu quand la rétribution due se payait en argent. Une fois le froment transformé en farine, il devenait l’objet des soins du minotier. Celui-ci procédait alors à une série d’opérations qui avait pour but de séparer d’abord cette fine fleur de farine, dénommée « fin minot » si justement renommée par ses précieuses qualités. Venait ensuite la farine de deuxième ordre a laquelle on donnait le nom de « gros minot ou grias » et enfin en dernier lieu « les recoupes ou reboutet ».

Ce n’est qu’au commencement du seizième siècle, exactement en 1601, que j’ai pu trouver mention du premier minotier de cette paroisse, mais ces industries devaient être connues sous une autre dénomination antérieurement à cette date.

« Les minots de cette partie du Poitou, affirme Jules Richard, n’avaient d’autre nom que celui de " minots de Bagnault" sur les marchés de La Rochelle, de Saint-Jean d’Angely, de Saintes et des villes du littoral. A l’exportation, car ils étaient transportés jusqu’aux Antilles et jusqu’en Amérique, ils gardaient leurs honorables étiquettes et il n’y a pas encore un siècle que les farines de La Mothe et du canton étaient expédiées de Rochefort sous le titre de farines de Bagnault. Le pavillon couvrait la marchandise. »

Ces minots étaient mis dans des sacs ou en barils (1). Les sacs pleins étaient transportés à dos de mulets jusqu’à Niort pour être ensuite dirigés par voie d’eau sur Marans, La Rochelle et Rochefort. Pour se rendre de Bagnault à Niort, les muletiers empruntaient la voie romaine qui, venant de Rom, s’embranchait au Carrefour de la Coupe d’Or, suivait la principale rue du village, franchissait la rivière au pontreau ou pont charrault, se dirigeait ensuite vers la Chaume à Papeau et de là vers Niort. C’était le vieux chemin de la mer ou encore « chemin des saulniers », lequel passait par Fressines (2). Plusieurs chasserons se réunissaient le plus souvent pour voyager ensemble et l’on pouvait voir, certains jours, une ou deux longues files de mulets chevauchant péniblement, avec deux ou trois sacs de minots sur le dos, à la suite du mulet de tête à cause du grelot qu’il portait au cou et dont les tintements servaient de guide à ses compagnons de voyage. Les chasserons, au nombre de deux ou trois, surveillaient le convoi et veillaient à maintenir l’équilibre régulier de la charge de chaque animal. Après un repos bien mérité à Niort, ils reprenaient le chemin du retour, les reins pliés sous une nouvelle charge non moins lourde que la première; ils rapportaient du sel destiné à l’approvisionnement des dépositaires de la région mothaise. De tels voyages ne s’accomplissaient évidemment qu’au prix de fatigues excessives pour les hommes et pour les animaux; pourtant, combien ils étaient peu lucratifs si l’on songe que le transport d’un sac de minot d’Exoudun ou de Bagnault à Niort était payé 12 sols et le transport de sel pour le même parcours en sens inverse se payait le même prix.

Lorsque, dans la suite, on dut voiturer les farines jusqu’à la côte, les entrepreneurs de transport exigèrent 20 sols par sac à destination de La Rochelle et 30 sols par sac à destination de Rochefort (1672). Quant au cours du minot, il va sans dire qu’il suivait les fluctuations du cours du blé.

Pour donner une idée du trafic des minots qui s’effectuait entre Niort et Marans, je ne puis mieux faire que citer cette lettre du maire de Niort, en date du 29 juillet 1775.

« Il serait assez difficile, monsieur, de vous faire passer par mois l’état de la navigation de notre port; le mouvement est pour ainsi dire le même toutes les semaines. Nous avons environ 20 bateliers qui partent exactement tous les dimanches au matin pour se rendre au marché de Marans qui est le mardi. Ils y transportent, en assez grande quantité, des farines en sacs, appelées Minots, qui viennent de La Mothe Sainte-Héraye, Exoudun, Pamproux, qui, de là, se transportent avec des barques à La Rochelle, Brouage, les îles de Ré, d’Oléron, Bordeaux, etc. Ils partent pour revenir ici communément le même jour, chargés de sel ou autre marchandises pour notre ville où ils arrivent, lorsque l’eau est bonne, le mercredi ou jeudi, et lorsqu’elle est courte, le vendredi et quelquefois le samedi. Il ne vient jamais de bateaux étrangers, c’est-à-dire que tout ce cabotage se fait seulement entre Niort et Marans; » (voir Affiches du Poitou du 29 juillet 1775, n°30)

Le minot en sac était vendu par minot. Il se disait tant de la mesure que de la chose mesurée. D’après une ordonnance de 1669, le minot à blé devait avoir onze pouces neuf lignes de hauteur sur un pied deux pouces huit lignes de diamètre entre les deux fûts; il valait le quart du septier de Paris. Le minot, mesure de capacité en usage à Exoudun et à Bagnault, valait 2 sacs ou environ deux hectolitres. Ainsi, le 5 août 1655, Pierre Richard, minotier à Exoudun, vend à Pierre Levieux de La Rochelle 50 sacs de minots de farine de froment à 18 livres le minot ou 9 livres le sac pour la somme de 450 livres.

Le 24 octobre 1758, Jean Marsault, autre minotier d’Exoudun, livre à Mme Grasset de l’île de Ré 34 sacs de fin minot à 28 livres le minot ou 14 l. Le sac pour 476 livres. Le même livre encore, le 4 mars 1760, à Martineau, boulanger à La Rochelle, 12 sacs de minots à 28 livres le minot pour 168 livres, et le 23 juillet 1761, à Ingrand, boulanger à La Rochelle, 21 sacs de fin minot à 21 livres le minot pour 220 livres 10 sols.

Employé au mesurage du sel, le minot valait un boisseau et demi et une mesure comble, le tout mesure de La Mothe.

Sous la révolution, la statistique du préfet Dupin révèle, comme l’avait fait le mémoire sur l’Election de Niort de 1716, que 120 moulins « situés dans un rayon d’une lieue autour de La Mothe travaillaient à produire du minot. » Sur ce nombre, qui est certainement au-dessus de la vérité, Exoudun en comptait huit pour sa part. Mais, ce que l’on ne saurait mettre en doute, c’est que ces moulins, en travaillant jour et nuit, purent fournir, malgré la disette de grain et le fameux décret du maximum, (3 mai 1793), plus de 40.000 quintaux de fleur de farine pour l’approvisionnement des villes du littoral et de la flotte française, lors de la fameuse expédition qu’illustra si glorieusement la fin héroïque du vaisseau le Vengeur (1 juin 1794). Ce sont encore eux qui ont alimenté en majeure partie les armées navales et celles de Vendée de 1792 à 1796. Ils subirent, en maintes circonstances, les réquisitions des agents du pouvoir et travaillèrent courageusement pour le service de la Patrie chaque fois que les circonstances en imposèrent l’obligation.

Après avoir produit le maximum de travail et d’effort de 1790 à 1804, ces moulins ont vu leur prospérité décroître peu à peu et de nos jours, la plupart se sont tu pour toujours, ils ont été transformés et même abandonnés.

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 (1) Il arrivait qu’au lieu de mettre le minot en sacs, les fournisseurs utilisaient des "barils ou quarts" ainsi que nous l’apprend un acte du 12 décembre 1635 en vertu duquel F. Hervault, maître tonnelier à La Mothe prend à son service « quatre garçons du pays de Touraine courant le pays pour travailler de leur métier de tonnelier, lesquels se sont obligés de faire et fournir le nombre de trois mille cards de bois pour contenir la farine, de façon et reliure requise avec les fonçures, savoir, un bout foncé pour y mettre la farine et l’autre bout, le fond prêt pour l’y mettre lorsqu’il sera plein de farine, de hauteur et grosseur qu’ils ont cotume faire en ce lieu, et tout en fournissant le bois, "les sinomes et reliures" et les outils le maître leur payera pour façon de chaque quart la somme de 8 sols qui fait pour les 3000 cards, 1200 livres payables de mois en mois. »

Les minots mis en barils étaient ceux destinés à l’exportation, ceux qui avient à effectuer une traversée de plusieurs semaines avant d’arriver à destination. Ils se trouvaient ainsi à l’abri de l’humidité et de l’action néfaste qu’aurait pu exercer l’eau de mer.

(2) En 1789, il existait dans cette paroisse « quatre petit ponts sous lesquels passe la petite rivière du Lambron, lesquels sont totalement tombés en ruine et sur lesquels on ne peut passer par une grande inondation dans l’hiver sans s’exposer à périr, cependant il est de la plus grande utilité qu’ils soient rétablis en ce qu’ils se trouvent sur le passage des minotiers qui font conduire journellement des minots en la ville de Niort. » Léon Cathelineau « La Révolution dans les Deux-Sèvres » page 238

Cet article est tiré d’un livre manuscrit: EXOUDUN par F. Dubreuil.


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