Index / Triaud-Blondeau.4

Georges TRIAUD (323° RI)

 

 

15 août.

Départ du cantonnement à 1 h. Traversée de la Meurthe à Art-sur-Meurthe. La brigade (323-206-234) se dirige à une quinzaine de kilomètres à l’est de Nancy. La compagnie est en flanc garde de gauche. Vu: premières tranchées ayant servi aux armées de couverture. Vu: premiers abattus. Des cercueils, de nombreux blessés sont dirigés sur Nancy dans des ambulances automobiles (37° régiment). On se bat à 15 km de là. Vu: 2 prisonniers allemands.

Grande halte dans le bois de Saltivan. Il pleut. Cantonnement à Buissoncourt. Le canon a tonné toute la journée.

Dimanche 16 août.

Exercice de mise en défense du village. Il pleut à torrent, nous sommes trempés jusqu'au os.

Quoi te dire?

Des lois draconiennes mais évidemment nécessaires nous ont été dictées. Nous devons envoyer des lettres ouvertes sans indiquer ni l’endroit où nous sommes, ni ce que nous faisons, etc... etc....

Tache de voir Madame Véron, son gendre a pu lui indiquer par des moyens convenus là où nous étions et elle te le dira. Nous n’avions rien dit à l’avance de sorte que je fais silence à ce sujet étant passible de conseil de guerre si je n’obéissais pas.

17 - 18 août.

Nous sommes toujours mouillés et énervés.

Eugêne BLONDEAU (206° RI)

 

 

15 août

Dure journée. Partis ce matin à 1h1/4 de Clairlieu, nous sommes arrivés à la Grande Halte à 10h. Ayant fait seulement 25 km mais dans de mauvais chemins. les paysans de ces contrées sont sales, on voit partout des tas de fumier, dans les rues, sur les bord des trottoirs. Nous faisons la Grande Halte dans un champ près d’un chemin qui conduit de Nancy au lieu où l’on se bat. C’est un défilé interminable de voitures automobiles qui ramènent des blessés à Nancy. Le combat doit être rude , on entend le canon sans discontinuité. Les blessures sont toutes à la tête ou aux jambes. Il pleut très fort et de voir tous ces blessés, les uns disparaissants sous des bandages, les autres couchés sur des lits de sangles dans des voitures aménagées à cet effet. Malgré soi on a le coeur un peu serré en pensant que ce sera notre tour demain, mais bah ! dans 3 jours on y sera faits et on fera comme les autres.

8h. Nous sommes cantonnés dans un village nommé Cerceuil (Ironie! Actuellement Cerville) à 11 km de Nancy et à 15km du combat. A présent nous attendons des ordres pour partir au combat. J’ai une médiocre confiance en notre commandant qui ne me parait pas à la hauteur de sa tâche. Par contre notre capitaine sera, je crois, l’homme de la situation.

 

16 août

Nous nous sommes reposés aujourd’hui. Rien d’intéressant ne s’est passé. Ce soir, et à présent tous les jours, il y aura une compagnie en avant-poste, en cas de surprise.

 

17 août

Nous sommes restés au même cantonnement et nous apprenons que les troupes françaises des premières lignes ont mis en déroute 3 corps d’armée allemands et qu’elles avancent toujours.

18 août

Nous venons de prendre les avant-postes. Nous avons changé de cantonnement. Nous sommes à une ferme près d’un village nommé Laneuvelotte. Les avant-postes sont à 600 mètres en avant, à 10 km de la frontière. Nous voyons passer beaucoup de soldats allemands blessés que l’on ramène à l’hôpital de Nancy. Je crois que leur sort sera meilleurs que celui des soldats français dans la même situation en Allemagne.

En avant-poste, nous passons la nuit dans une tranchée couverte de paille. Notre poste, qui est de 40 hommes, fournit 3 sentinelles qui sont relevées toutes les heures. C’est le plus mauvais moment du soldat à la guerre. On voit tout remuer, la nuit, à force de fixer un point, on lui trouve une forme humaine et on le voit s’avancer. Les froussards sont à dure contribution. Ces jours derniers, il s’est passé des incidents regrettables à ce sujet. Des sentinelles ont tiré à tort et à travers voyant l’ennemi partout et voici trois faits rigoureusement authentiques dans la même nuit : des patrouilles françaises ont reçu des balles de sentinelles françaises, un poteau a été criblé de balles et un âne a été tué.

 

6h du soir.

Une balle vient de siffler à un mètre de moi, une balle française tirée sur un aéroplane allemand qui passe tout près et que je regardais. Brr., je me couche avec mes camarades dans le fossé.

Triaud-Blondeau.4 / Index