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Selon la géographie des Deux-Sèvres de Buffières, les bois taillis de la commune d'Exoudun sont au nombre de 14, couvrant la superficie de 250 hectares environ. La majeure partie en est située sur la rive gauche de la Sèvre; on n'en compte que trois ou quatre, et de faible étendue, sur l'autre rive.
Pendant tout le moyen-âge, ces bois ont appartenu aux seigneurs ou aux ecclésiastiques ayant des possessions dans la contrée. Ils en retiraient, chaque année, les produits nécessaires pour l'entretien de leurs fours banaux et pour le chauffage, pendant les froides journées d'hiver, des vastes salles de leurs froides demeures. Des sergents-verdiers (sortes de gardes-forestiers de notre époque) étaient commis pour réprimer dans ces bois le maraudage et les déprédations de toute nature. En 1699, cet emploi était aux mains de Pierre Boutin et en 1702, ce doit être son frère que je trouve avec la qualification de " garde-bois ", mentionné à l'occasion de la naissance d'un enfant. Le 28 mai 1766, François Pelletier, " ancien garde-bois ", âgé de 76 ans, meurt à Exoudun. En 1781, les gardes-bois étaient au nombre de trois au moins, au service des principaux seigneurs. C'étaient: René Pineau, Jacques Mirebeau et Jacques Delhomme.
Ces bois, tels que nous les voyons aujourd'hui, ne peuvent donner qu'une idée bien imparfaite de ce qu'ils étaient il y a deux ou trois siècles: l'aspect général en a été complètement modifié et la superficie considérablement diminuée. Ici, on a défriché de vastes espaces que la culture a transformés en terrains fertiles et productifs; ailleurs, c'est une route ou un chemin que l'on a tracé aux lieu et place de l'ancien sentier qui serpentait sous les arbres. Partout quelques empiétements ont été pratiqués et se pratiquent encore de temps à autre.
Quoi qu'il en soit, vers la fin du XVIII° siècle, peu avant la révolution, les bois de la Tresse, du Quairault, du Souil (une partie seulement), de Vauvredon et la garenne de la Croix étaient des dépendances de Boissec; à la Place Forte étaient rattachés la garenne du Velours et quelques autres petits bois vers Brisollant et Izarnay. Les bois de Petousse et du Rochereau étaient englobés dans la seigneurie de Petousse et la seigneurie de la Lande se contentait de ceux qui recouvraient le flanc et le pied du coteau qu'elle dominait.
De Massient dépendaient les bois de même nom et la seigneurie du Souil avait en sa possession la majeure partie des bois de son entourage. Ceux de la Marbaudière, non loin du Souil, avaient été acquis en partie par le comte de la Parabère en 16..; ils furent, à partir de cette époque, réunis à la terre de La Mothe; une autre partie appartenait aux religieux de Fontblanche. Le bois taillis des Vieilles-Fosses était inégalement réparti entre le seigneur de La Mothe et le seigneur de la Carte à qui appartenait la métairie de la Cibaudière, Me Gabriel Gaudin, avocat à Lusignan, a qui appartenait le fief de la Bourdillière. La garenne de Fontblanche avait été donnée aux religieux du prieuré par le fondateur. Je ne sache pas qu'elle ait changé de mains avant la révolution. Ces mêmes religieux possédaient une portion des bois de Brillochais et ils étaient en différend avec le seigneur de La Mothe en août 1754 au sujet des bois de la " Vieille-Fosse ". La garenne de Roche qui dépendait du moulin appartenait à l'abbaye des Châtelliers; celle de Brieuil, tout en étant comprise dans la paroisse d'Exoudun, appartenait aux Garnier; la garenne de l'archiprêtré se trouvait à la Merlattière, c'est-à-dire entre Crémille et Moulin-Neuf. Quant au parc d'Izarnay, clos de hautes murailles par ordre du prieur Simon de Montaron en 1773, il était du prieuré.
La Garenne de Bagnault, plus connue sous le nom de garenne du Logis, n'est plus aujourd'hui qu'une haie très large dans laquelle se voient encore, de distance en distance, quelques pieds de buis autrefois plantés par les chevaliers de Malte qui avaient établi là leur allée de prière;
Plusieurs bois furent confisqués au profit de la nation pendant la période révolutionnaire par suite de l'émigration de leurs possesseurs. L'action des " gardes-bois " dont j'ai parlé plus haut avait été bien inefficace au sujet des dits bois. La municipalité ne voulut en accepter le dépôt et la surveillance qu'après avoir consigné leur état dans un procès verbal dont la teneur suit:
" Aujourd'hui neuf mars mil sept cent quatre-vingt dix, nous, Officiers municipaux de la dite paroisse, estant assisté de notre greffier ordinaire et estant assisté de la Garde Nationalle d'icelle, Nous sommes transportés sur les bois qui dépendent de laditte parsse. En conséquence nous les avons vü éxaminé et visitté, Lesquels se sont trouvé en très mauvais état la majeure partie. Sur ce fait en avons dressé le présent procès verbal pour valloir et servir en temps et lieux, ce qu'il appartiendra. Les jours, mois et an que dessus et nous nous sommes soussignés Dont Acte.
Signé: J. Rougier maire, G. Millet membre, Geoffrion greffier. "(1)
J'ai dit plus haut que la physionomie actuelle de la région bocageuse était toute différente de ce qu'elle était il y quelques siècles. Certaines essences forestières se sont insensiblement substituées à d'autres, au point de les faire disparaître à peu près en totalité des lieux qu'elles occupaient. C'est ainsi que le hêtre, en latin fagi.. et qui se traduit en vieux français et dans notre patois poitevin par le mot fayant ne se rencontre plus qu'en nombre infime alors qu'autrefois, c'était l'essence dominante. Il a dû céder la place au chêne et au châtaignier qui peuplent actuellement les bois et les haies de la partie sud de la commune. Les chênes surtout se rencontrent à l'état de futaies dans les sous-bois, mais combien ils sont loin de ces chênes superbes avec lesquels on confectionnait les énormes poutres que l'on voit encore dans certaines maisons de construction ancienne. On les sacrifie avant qu'ils n'aient atteint leur complet développement pour les besoins toujours plus impérieux du commerce et de l'industrie.
Disséminés un peu partout dans les haies de la région des Bois, les chênes " têtard ", que l'on pourrait traduire par têtes coupées, donnent tous les neuf ou dix ans un émondage apprécié pour la confection des fagots. Malheureusement, depuis quelques années, une maladie cryptogamique, sorte d'oidium, exerce des ravages considérables et atteint principalement les sujets dont on vient de couper les branches.
Les bois taillis renferment surtout du châtaignier dont les cépées fournissent ces perches longues et flexibles si facilement utilisables. On le coupe à âge variable suivant l'usage auquel on les destine; cependant on ne les laisse guère passer une vingtaine d'années à moins que ce ne soit à quelques tiges séparées auxquelles on donne le nom de " baliveaux " qui atteignent parfois trente ou trente-cinq ans. On les utilise pour la confection d'échelles, de râteliers, de douves " douelles " de barrique.
Les branches les plus petites sont désignées sous le nom générique de rames et ne conviennent que pour le fagotage. Toutefois, les habitants de la localité tirent parti des jeunes pousses de châtaigniers, celles de 5 à 8 ans, pour la fabrication de menus objets de vannerie: paniers, corbeilles, vans, etc. Quand le mauvais temps, en hiver, empêche tout travail en dehors, pendant ces longues soirées au cours desquelles ils ne savent comment occuper leurs loisirs, ils cherchent, dans ces petits travaux d'agrément, le délassement et l'oubli des fatigues occasionnées par de plus durs travaux. Puis, au moment où l'heure avancée semble inviter chacun au repos, il n'est pas rare de voir paraître sur la table familiale un vase rempli de châtaignes grillées que l'on mange au " réveillon ". Ce fruit savoureux et nourrissant est apprécié dans la contrée. On ne le récolte que vers Fontblanche et Pied-Bâché; mais là, on voit encore quelques-uns de ces châtaigniers énormes dont un poète local, Emile Lalot disait:
Ces colosses végétaux arrivent à mesurer jusqu'à dix mètres de circonférence et semblent supporter le poids des ans le plus allègrement du monde puisque, au dire des savants, ils peuvent vivre pendant plusieurs siècles. On les désigne communément sous le nom de " tables ".
Le bouleau et le tremble sont moins répandus; on ne les trouve guère que vers Brillochais et dans une faible proportion. Le nerprun et la bourdaine croissent au hasard entre les touffes de chênes et de châtaigniers. Cette dernière est recherchée au commencement de l'hiver pour la confection de vans, de corbeilles, de " melous, melouairs ou melouers "(2) sorte de séchoirs sur lesquels on étendra les noix ou les pruneaux pour les soumettre à l'action brûlante des rayons du soleil, ce qui a donné lieu au dicton suivant:
C'est encore avec la bourdaine que se préparent ces fines bûchettes dont les deux extrémités trempées dans du soufre en fusion fourniront les allumettes économiques.
Le merisier, la charmille, le coudrier, le frêne et l'érable se trouvent répandus au hasard dans les taillis et dans les haies. La garenne de la Croix renferme trois variétés d'érables dont l'une, l'érable faux platane (acer pseudo-platanus) ne se trouve, d'après la flore des Deux-Sèvres, en nul autre lieu du département à l'état spontané (3).
Dans la région de Loubigné, l'ormeau domine. On le trouve sous forme de futaie ou de têtard. Il y croît plus vite que le chêne et donne chaque année des feuilles que l'on récolte en septembre pour les faire sécher de manière qu'elles conservent leur couleur verte et leur arôme en hiver; elles sont ensuite données en pâture aux chèvres et aux moutons.
Les haies renferment, à quelques exceptions près, les mêmes essences: épines noires et blanches, églantiers, ronces, clématites, et de temps à autre les tiges flexueuses du chèvrefeuille aux fleurs d'un suave parfum. Dans la vallée de nombreux peupliers et autour de Bagnault, Brieuil et Exoudun, des noyers en quantité.
Arbres centenaires ou symboliques
Lors d'une assemblée de communauté des habitants des habitants de la paroisse d'Exoudun, tenue le 19 avril 1604, lecture fut donnée " d'une commission du roy (Henri IV) pour planter des mouriers blancs dans la paroisse ". Les habitants, après en avoir délibéré, furent d'avis de s'y conformer vu que " présentement, reconnaissent-ils, n'y a aucun mourier en ladite paroisse. "
On sait que la culture du mûrier, tentée par Louis XI et Charles VIII, fut vivement encouragée par Henri IV. Il fallut que le roi, dont l'esprit était souvent plus éclairé que celui de son ministre Sully, se prononçât nettement en faveur de cette innovation pour la faire adopter par la population de l'époque.
J'ignore si le nombre de mûriers plantés fut important, mais toujours est-il que l'un d'eux a survécu presque jusqu'à nos jours. Il existait encore il y moins de dix ans, à Bagnault, dans un jardin attenant à la voie publique sur laquelle il laissait ses fruits tomber en abondance au moment de la maturité. Ayant eu à subir, au cours de sa longue existence, les intempéries de toutes sortes, il fut, il y a fort longtemps, atrocement mutilé par la tempête ou par l'orage. Il ne lui resta qu'une faible partie du tronc, mais cette partie suffit pour donner naissance et nourrir un rejeton dans lequel ce vétéran allait revivre encore pendant bien des années. On peut dire que la vétusté a eu raison de lui et qu'il est mort de vieillesse après avoir vécu pendant plus de trois siècles. Il était, à n'en pas douter, le doyen des végétaux de la commune.
Sous la révolution, la municipalité, en accord avec le procureur de la commune, ayant décidé, à la date du 28 octobre 1792, qu'un arbre de la liberté serait planté en l'honneur du succès de nos armes en Savoie, prit un arrêté, le 3 novembre suivant, dans lequel elle fixait le détail de la cérémonie. Cet usage de planter des arbres, soit pour commémorer certains événements historiques ou même pour marquer la joie populaire, est immémorial; on le trouve déjà chez les Gaulois. La plantation était toujours accompagnée de cérémonies dans lesquelles intervenaient généralement les autorités et même le clergé. L'arrêté suivant nous fournit une preuve nouvelle:
" Le 3 novembre 1792, l'an I° de la République française, les maire et officiers municipaux de la commune d'Exoudun, District de Saint-Maixent, Département des Deux-Sèvres d'hument assemblés à la manière accoutumée.
Le procureur de la commune présent.
Un membre a observé qu'il fut décidé et arrêté dans la séance du 28 du mois dernier qu'il serait planté dans le sein de cette commune à la limitation des différentes villes et bourgs de la République, l'arbre de la liberté et ce dans un endroit propre et convenable à celle fin qu'il ne cause aucun préjudice aux citoyens; qu'en conséquence de cet arrêté, il serait à propos de fixer deffinitivement l'endroit où il doit être planté, attendu que voilla l'heure et le moment de travailler à cette tâche, et que la garde nationale de cette ditte commune est prête à participer à ce travail qui doit faire mouvoir dans tous les coeurs un satisfaction et un patriotisme le plus pur.
Cette motion ayant été adoptée, la municipalité a arrêté, sur ce ouï le procureur de la commune, que l'arbre de la liberté accompagné d'un bonnet rouge surmonté par un pique, sera planté au lieu vulgairement nommé le Canton comme étant l'endroit le plus aparent de ce dit bourg en prenant la précaution de le planter d'une manière à ce qu'il ne nuise aucunement aux citoyens ni à la voix (sic) publique.... Arrêté en outre que le citoyen Jean Bourgueil sacristain sera d'hument invité de carillionné pour donner l'éclat qu'une pareille cérémonie mérite. "(4)
L'arbre en question fut planté le dimanche suivant au lieu indiqué en présence d'une grande affluence. On y chanta " à haute et intelligible voix le cantique des Marseillais " et la fête se termina aux cris de " Vive la Nation, Vive la République, A bas la Royauté! " Cet arbre prit-il racine? Je ne saurais le dire, en tout cas, son séjour au lieu où il était placé fut de courte durée.
La naissance du roi de Rome, fils de l'empereur Napoléon I°, arrivée le 20 mars 1811, fut dans toute la France l'objet de fêtes imposantes. Le jour marqué pour cette réjouissance nationale fut celui, est-il dit dans la lettre du préfet Dupin, " où Sa Majesté l'impératrice, relevée de ses couches, se propose d'aller à l'Eglise remercier Dieu de lui avoir donné un héritier de la gloire et des hautes destinées de Napoléon. "
Exoudun s'associa dignement à cette fête et, pour en commémorer le souvenir, la municipalité et les habitants plantèrent en grande pompe un ormeau au pied du coteau des Chaumes de la Boîte, en face le cimetière, et un marronnier dans la principale rue du bourg. On donna à chacun de ces deux arbres le nom de " roi de Rome " en souvenir de l'événement dont ils rappelleraient la date aux populations futures.
Dès 1850, le marronnier, qui s'était rapidement développé, avait acquit des proportions qui devenaient une entrave pour la circulation et une gêne pour les immeubles limitrophes. Néanmoins, tant que dura le second empire, personne n'osa se plaindre trop ouvertement de l'incommodité due à la présence de cet arbre qui rappelait un souvenir se rattachant directement à la famille impériale. Mais, à peine la chute de ce gouvernement était-elle devenue un fait accompli, que la municipalité sous l'inspiration de son maire, Laffarge, décida la suppression du marronnier. Il fut en conséquence vendu par adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur le dimanche 26 mars 1871 et adjugé pour la somme presque dérisoire de 17 francs à Pierre Olivier, négociant à Exoudun, lequel agissait en la circonstance pour le compte de Léon Vachane, marchand de bois à Saint-Maixent.
Plus heureux que son contemporain, l'ormeau fut épargné; il subsiste toujours. Malgré une existence de plus d'un siècle, exactement 120 ans,
Il est encore robuste et semble posté à la sortie du bourg comme une sentinelle vigilante élevant haut sa cime touffue et laissant voir à sa base les énormes racines qui le fixent si solidement au sol.
Bien qu'un arrêté préfectoral du 2 mars 1... eut prescrit l'arrachage de tous les arbres de la liberté et autres commémoratifs pouvant exister dans la commune, le maire alors en exercice, Richard-Maisonneuve, ne crut pas devoir obtempérer aux ordres de l'administration et les deux arbres visés par cet arrêté restèrent debout. Cependant, peu s'en fallut que la décision prise en 1871 au sujet du marronnier n'atteignit en même temps " l'ormeau dit roi de Rome ", mais on voulut bien reconnaître que cet arbre n'apportait aucune entrave à la circulation et que son maintien n'était nullement préjudiciable ni aux intérêts de la commune, ni à la commodité des habitants, ce qui le sauva de la destruction.
Quelques velléités d'abattage se sont encore produites depuis cette époque, mais ce vétéran du siècle précédent continue à rappeler aux habitants le souvenir d'un événement qui, sans cette circonstance, serait passé depuis longtemps dans le domaine de l'oubli.
Au moment où eurent lieu les événements du 24 février 1848, on sait que bon nombre de municipalités et de populations, pour montrer leur attachement au gouvernement provisoire manifestèrent leur approbation et leur contentement par des fêtes, par des réjouissances de toute nature. A Exoudun, la municipalité vota une adresse au gouvernement et, afin de perpétuer dans la localité le souvenir de la conquête du suffrage universel, on fit une fête éclatante. Au jour fixé, tous les citoyens du bourg et des hameaux environnants, arrivent au Canton, point central du bourg, d'où l'on doit partir pour aller chercher l'arbre de la liberté qui devra perpétuer le souvenir de cette fête dans la localité. C'est un peuplier que l'on prend dans un pré situé auprès du moulin de Planche, dans la propriété de Marsault dit la Plante. La garde nationale, la municipalité, les fonctionnaires, suivis de la population, se rendent en foule sur les lieux où l'on a procédé à l'arrachage de l'arbre. Près de deux cents volontaires se présentent pour le transporter, c'est une cohue, on se presse, on se bouscule, chacun veut porter sa part, soit une simple brindille ou même une feuille.
Au milieu de l'enthousiasme général, on arrive en face le mur du jardin de la cure; c'est là que doit se faire la plantation. Après avoir fixé à la cime un drapeau tricolore, on procède à cette opération avec toutes les précautions requises en pareil cas. Puis on entonne en choeur la Marseillaise et comme ce chant, exécuté à haute vous et en plein air sous les rayons ardents d'un soleil printanier, a desséché la gorge des chanteurs, on se porte vers une barrique de vin due à la munificence municipale. On la perce aux deux extrémités et le nombre de gosiers assoiffé est tel qu'elle se trouve vidée en quelques instants.
Le soir, pavoisement, illuminations et feux de joie.
Flore. Plantes diverses
Après avoir parlé des arbres qui peuplent nos bois et nos haies, il serait malséant d'oublier les humbles herbes de toutes sortes, petites et grandes que nous que nous foulons chaque jour sous nos pas et qui constituent le "tapis végétal", dénomination fort juste du reste car, en certains endroits, leur abondance, la variété de leurs fleurs, forment en effet un tapis souple moelleux, parfumé à souhait et paré de couleurs les plus chatoyantes. L'aspect de ce tapis varie beaucoup selon que l'on se transporte d'une extrémité de la commune à l'autre. Tantôt il est composé par des sujets dont la vigueur annonce une végétation luxuriante, comme on s'en aperçoit dans les près riverains de la Sèvre, tantôt au contraire, son aspect dénudé ne laisse voir que des plantes étiolées, brûlées par le soleil et élevant à quelques centimètres seulement au-dessus du sol leurs tiges grêles et souffreteuses.
On conçoit que la nature du sol, sa composition chimique, son exposition, sa perméabilité, son degré d'humidité, son altitude, exercent une influence marquée sur le développement des plantes qu'il nourrit. Il faudra donc, pour étudier d'une façon méthodique et rationnelle la flore de cette commune tenir compte de ces diverses considérations et répartir par catégories les plantes qui croissent dans des milieux présentant entre eux de grandes analogies. Le cadre trop restreint de ce modeste travail ne me permet pas d'entrer dans de tels développements; je me contenterai d'un coup d'oeil d'ensemble sur les principales espèces qui croissent spontanément sans m'arrêter même aux raretés qui, tout en faisant les délices du botaniste, n'influent en rien sur l'aspect général de la végétation.
Dès les premiers beaux jours du printemps, alors que la nature semble sortir du sommeil léthargique où l'a plongé l'hiver, voici que l'anémone étale ses fleurs blanches pendant que la ficaire, émergeant de dessous les feuilles mortes qui jonchent le sol, vient à son tour montrer la parure dorée de sa corolle. Peu après, ce sont les renoncules, ces boutons d'or dont le nom seul indique la couleur et le brillant des fleurs; on les trouve partout: dans les bois, dans les champs, les près et les chemins. Mais ce n'est que dans les lieux humides que l'ancolie se pare de ses fleurs bleues et roses.
Les divers pavots aux fleurs écarlates affectionnent particulièrement les moissons où la charmante adonide goutte de sang et le bleuet leur font société. Dans les jardins et lieux cultivés, le petit fumeterre abonde tandis que la crydale, autre plante de la même famille, se réfugie à la garenne du Velours. Quelle abondance de petites crucifères aux fleurs blanches ou jaunes qui s'épanouissent partout. Point n'est besoin de choisir les habitats. Sur les vieux murs ou sur les talus orientés au midi, la drave et l'érophyle; dans les champs, le tabouret et un peu plus tard la moutarde ou " russe ", la ravenelle des champs ou " rabana ", la bourse à pasteur, l'alysson; dans la garenne de la Croix, une variété d'arabette et de cardamine, puis dans les près et dans l'eau, la cardamine des près, la barbarée commune, la berle à larges feuilles, le sisymbre rude et le cresson. Il faut le fond de l'été pour amener la floraison des orpains et de l'ombilie ou " nombril de Venus ", ces plantes grasses amies des vieux murs. Sur ces mêmes murs, mais auprès des habitations seulement, quelques pieds de joubarbe que les habitants ont placés ça et là.
Genêts et ajoncs revêtent eux aussi leur parure dorée à chaque printemps et se voient dans les haies et les taillis de la région des Bois. L'anthyllide, le mélilot et la coronille préfèrent les champs calcaires alors que les divers trèfles, luzernes, vesces, gesses, moins difficiles se rencontrent partout. Avec les rosacées, voici d'abord des arbustes et des plantes grimpantes: l'épine blanche ou aubépine et l'épine noire, le poirier et le pommier sauvages connus, le premier sous le nom de " poirasse " et l'autre sous celui de " poum'rasse "; la ronce et l'églantier qui, tout en étant le fléau des haies, ne se parent pas moins de grandes et belles fleurs. Sur les rives du cours d'eau, la gracieuse reine des près y exerce la suprématie que l'on accorde toujours à la beauté pendant qu'à ses pieds la jolie potentille anserine étend ses feuilles si bizarrement découpées et argentées en dessous. C'est encore dans les lieux humides des bois un peu couverts et sur les bords de l'eau qu'il faut chercher les épilobes. Le myriophylle ne se plaît que dans les eaux stagnantes des fossés et des mares. L'énorme racine de la bryone " le parc " envoie ses rameaux grimper dans les buissons en compagnie de la clématite " viouche " et du chèvrefeuille d'un parfum si délicat. La garance voyageuse avec ses feuilles garnies de pointes crochues et recourbées est commune dans toutes les haies ainsi que les gaillets ou caille-lait avec lesquels elle est apparentée de très près.
Les ombellifères sont représentées par certaines belles plantes dont quelques-unes à l'arome pénétrant. La sanicle abonde dans la garenne de Roche; la berce, l'anthrisque et le sison aiment les bois; les champs calcaires nourrissent à leur tour le peigne de Vénus, les buplèvres, la carotte sauvage et la faucillée. Dans les prairies humides des rives de la Sèvre, on rencontre l'angélique, la berce, le silans, l'oenanthe ou " pasquenade " dont certains bergers consomment les racines, le panais des près, etc; les jardins renferment à leur tour l'éthuse dite encore ache des chiens ou persillade, plante dangereuse qui, sous l'apparence du persil a causé de nombreux méfaits. Le gentil polygala et les géraniums appartiennent à d'autres familles; ils aiment les terrains un peu secs, ceux où les diverses sortes de lins dressent leurs tiges grêles.
Regardons également ces toutes petites plantes aux feuilles ténues et à la tige filiforme dont les fleurs minuscules ont une forme étoilée. De ce nombre sont les sagines, les spergulaires, les alsines, la tirquette qui toutes affectionnent les champs secs ou les bords sablonneux des routes. Les abeilles, les silènes, les lychnis et les stellaires sont communs; il suffit de les chercher dans leurs lieux de prédilection.
Les dangereuses euphorbes nous ramènent dans les bois où croit un peu partout la variété des feuilles d'amandier, mais moins communément l'euphorbe douce et très rarement l'euphobe d'Irlande. La garenne de la Croix nourrit l'euphorbe épurge dont quelques maladroits ont encore l'imprudence d'utiliser les fruits comme purgatif. Dans les jardins et dans les champs se trouvent l'euphobe réveille-matin à la sève âcre et laiteuse, l'euphobe à petites feuilles et enfin la mercuriole, cette dangereuse " roberte " si funeste pour tous les animaux, mais particulièrement pour les lapins. Fort heureusement voici la mauve, la guimauve et le bouillon blanc qui, avec le millepertuis, rachètent les méfaits de ces dangereuses variétés par leurs propriétés médicinales. Je ne saurais oublier les modestes violettes qui cachent leurs fleurs au parfum si suave dans les fourrés, sous les buissons ou sous les ronces. Deux ou trois gentianées peuvent se récolter sur notre territoire, ce sont: la petite centaurée et la chlore aux feuilles perfoliées.
L'étrange conformation des fleurs et des feuilles de mélampyres se retrouve dans les trois variétés que compte cette espèce; la rhinauthe, la scrofulaire, les linaires et les véroniques représentent abondamment les scrofularicées. Et toujours de cette même famille, la digitale aux grandes fleurs tachetées et de laquelle on extrait la digitaline, produit si employé pour le traitement des cardiaques; le muflier ou gueule de loup et enfin les différentes variétés de véroniques. Les solanées nous offrent un ensemble de plantes bien utiles. Qui pourrait nier les innombrables services que nous rend la pomme de terre? Pour l'homme et pour les animaux, elle est un aliment de premier ordre. Tout le monde utilise également, peu ou prou, les vertus médicinales de la douce-amère et du bouillon blanc que l'on trouve un peu partout. Seulement, gare à la stramoine et à la jusquiame dont la rareté est plutôt un bienfait. Les pervenches sont assez communes: la petite surtout occupe tout un coin de la garenne de la Croix, la grande se rencontre dans les haies et les murs de certains champs avoisinant Bagnault.
Les qualités émollientes de la bourrache font qu'on en recherche les fleurs pour la préparation des tisanes; c'est une habitude des jardins et des champs que l'on reconnait à ses feuilles rudes et piquantes. Le cynoglosse ou langue de chien, à cause de ses feuilles rudes, la vipérine avec ses feuilles tachetées et garnies de poils raides et épineux, la pulmonaire, le grénil, la consoude sont des borrazinées dont la médecine retire quelques produits.
La détestable cuscute ne se multiplie que trop dans les prairies artificielles. Elle y exerce ses ravages à peu près continuellement en dépit des arrêtés préfectoraux pris contre elle, arrêtés qui, bien entendu, restent lettre morte.
Sur les bords de l'eau, se trouvent les menthes odorantes, la sauge des près, puis sur le bord des chemins, dans les haies, dans les bois, la mélique officinale, les lamiers, les stachys, la balotte et le marrube, toutes plantes à l'odeur repoussante. Dans les bois, la charmante bruyère étale ses fleurs roses en compagnie des campanules et des scabieuses.
Les nombreuses composées suffiraient à peupler une contrée avec toutes leurs espèces; c'est dire qu'on en trouve partout. Depuis la gentille pâquerette que tout le monde connaît jusqu'aux chardons rébarbatifs, on peut citer dans les bois les inules, les crépides, les épiaires, l'achillée millefeuille, puis dans les champs, les sineçous, les centaurées, le guaphale, le pissenlit, la chicorée, etc, etc... Les primevères et les lysimaques représentent les primulacées; on trouve les premières dans les haies et les bois; les enfants leur donnent le nom de " coucous " et ils aiment à faire avec les fleurs des balles qu'ils se lancent les uns sur les autres. Les lysimaques affectionnent les près humides et la variété appelée nummulaire, " l'ouvre " en un mot, est réputée comme étant particulièrement dangereuse pour tous les animaux de race ovine chez lesquels elle détermine promptement la pourriture et la mort. Il n'en est pas de même des plantations de toutes sortes que l'on foule à chaque pas: les animaux en consomment les feuilles sans crainte et les petits oiseaux se régalent de leurs graines.
Dans la rivière, le plantain d'eau, les nénuphars, l'iris faux acore, le lin des rivières, les syphacées et autres plantes aquatiques couvrent la surface de l'eau et en entravent parfois la circulation. L'iris félide est rare à l'état spontané; on le trouve cependant au pied des coteaux de la Lande où j'ai pu le récolter moi-même, et la garenne de Brieuil fournit abondamment le narcisse faux narcisse, une autre rareté. " Narcissus pseudo-narcissus. Linné "
Loin d'avoir la prétention de parader dans les serres d'une somptueuse demeure ainsi que le font certaines orchidées, complètement modifiées par la culture, celles qui croissent dans la commune sont plus modestes. On les voit par une belle matinée de mai se cacher dans l'herbe des prairies. En revanche les orphrys, araignée et abeille recherchent les pentes arides et brûlantes des coteaux des Chaumes et de Brisollant. On les trouve même sur le bord des chemins.
Les fleurs tachetées de la fritillaire forment un gracieux décor dans les prairies au printemps; puis plus tard, l'ail paraît dans toutes ses variétés, l'ornithogale et le muscari abondent dans quelques champs. Le couvert des bois abrite en même temps l'asphodèle, le sceau de Salomon et le muguet dont les menues clochettes ont un parfum si pénétrant.
Les joncs, les luzules, les carex et les scirpes demandent de l'humidité; on les trouve aux marnes d'Izarnay tandis que les graminées de toute catégorie, depuis le phalaris géant, les bromes élevés, le dactyle pelotonné jusqu'à la frêle et délicate mibora printanière choisissent chacune le terrain le plus propre à leur développement. La fougère commune se trouve partout dans la région des Bois. Le polypode choisit les vieux troncs d'arbres mousseux et les vieux murs où il fraternise avec le ceterach et les doradilles. Dans les bois, les fougères mâles et femelles sont assez communes, ainsi que le blechnum. La doradille noire et la rue des murs croissent au flanc des rochers de la garenne de la Croix et à Roche, sur le bord de l'eau, la scolopendre étale ses longues et brillantes feuilles.
Il n'est pas jusqu'à certaines mares de Loubigné et aux fossés fangeux des bas-fonds de Javarzay qui ne renferment aussi dans leurs eaux bourbeuses d'intéressantes naïadées ou des characées. Il faut la patience du botaniste passionné pour les en retirer, les laver et les déterminer.
(1) Archives communales. Régistre du greffe de la municipalité de la paroisse d'Exoudun pour l'année 1788.
(2) Beauchet - Filleau. Petit glossaire p.178.
(3) Sauzé et Maillard. Flore des Deux-Sèvres. Tome II.
(4) Archives communales.